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Débats du Sénat (Hansard)

2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 37

Le mardi 25 février 2014
L'honorable Noël A. Kinsella, Président

LE SÉNAT

Le mardi 25 février 2014

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Visiteur à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, avant de passer aux déclarations de sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d'une étudiante canadienne qui s'est distinguée : Isabella Ruggeri, de l'Université Mount Saint Vincent, à Halifax. Elle est ici, dans la capitale nationale, car elle a remporté le prix Andrea et Charles R. Bronfman en études canadiennes.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Journée internationale de la langue maternelle

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour souligner la Journée internationale de la langue maternelle, instaurée par les Nations Unies en 2000 pour promouvoir la diversité linguistique et culturelle et le multilinguisme.

Plus de 200 langues sont parlées au Canada, dont un grand nombre le sont d'un océan à l'autre. Les langues autochtones et nos deux langues officielles, l'anglais et le français, occupent une place spéciale dans notre patrimoine.

Malheureusement, sur les 60 langues autochtones répertoriées, seules quatre sont considérées comme n'étant pas en danger de disparaître. Plus de la moitié des langues autochtones du Canada sont parlées en Colombie-Britannique, mais seulement un Autochtone sur vingt dans ma province parle couramment sa langue et ce sont presque tous des personnes âgées.

Nos langues se perdent et nous sommes en train de perdre notre patrimoine. Plusieurs de ces langues sont apparues il y a des milliers d'années, mais, aujourd'hui, nous permettons qu'elles meurent à petit feu. Honorables sénateurs, si nous laissons ne serait-ce qu'une seule de nos langues autochtones disparaître, nous aurons fait beaucoup de tort au patrimoine de notre pays.

Selon les Nations Unies :

Les langues constituent les instruments les plus puissants pour préserver et développer notre patrimoine matériel et immatériel. Tout ce qui est fait pour promouvoir la diffusion des langues maternelles sert non seulement à encourager la diversité linguistique et l'éducation multilingue mais aussi à sensibiliser davantage aux traditions linguistiques et culturelles du monde entier et à inspirer une solidarité fondée sur la compréhension, la tolérance et le dialogue.

La diversité linguistique constitue, pour le Canada, un atout important dans le monde. Dans nos missions diplomatiques, dans le commerce international ou dans l'aide humanitaire, notre connaissance des langues est pour nous un facteur de réussite.

Honorables sénateurs, j'ai grandi en Ouganda et j'ai eu la chance d'y apprendre plusieurs langues africaines, indiennes et européennes. Je n'en étais pas consciente à l'époque, mais l'apprentissage de ces langues allait m'ouvrir des portes et me donner des occasions dont je n'aurais jamais pu rêver au moment où je les apprenais.

L'été dernier, je me suis rendue à Calcutta, en Inde, avec l'organisme International Justice Mission Canada et j'ai parlé à des jeunes filles qui avaient été victimes de la traite des enfants. N'eût été des langues que j'ai apprises dans mon enfance, je n'aurais pas été capable de parler à ces jeunes filles et de faire connaître leurs histoires tragiques.

Honorables sénateurs, la concurrence est de plus en plus vive dans le monde, et nous devons voir à ce que nos enfants soient adéquatement outillés pour réussir plus tard, ce qui veut dire que nous devons favoriser l'apprentissage de diverses langues. Nous devons aussi nous assurer de protéger notre patrimoine en accordant aux langues autochtones le même statut que l'anglais et le français, nos langues officielles. La disparition des langues parlées à l'origine dans notre pays serait une tragédie irréversible. Nous perdrions vraiment une richesse de notre patrimoine.

Les Jeux olympiques d'hiver de 2014

L'honorable Jacques Demers : Honorables sénateurs, bon après-midi. Je vous parlerai évidemment d'un sujet que je connais : le sport en général. Le grand sénateur Kinsella, notre Président, vient d'exercer ses fonctions officielles pour la dernière fois pendant des Jeux olympiques.

[Français]

Je vais commencer par les athlètes amateurs; nous devons reconnaître leurs efforts et le prix qu'ils ont à payer pour parvenir à s'entraîner pendant quatre ans en vue des Jeux olympiques. J'ai eu l'honneur d'en discuter avec Kim St-Pierre, Joannie Rochette et Alex Bilodeau, qui ont eu la chance, grâce aux médailles qu'ils ont remportées, de bénéficier de revenus de publicité, par exemple. Cependant, il est très difficile pour les athlètes en général de trouver les fonds qui leur permettent de s'entraîner pendant quatre ans, et c'est pourquoi je tenais à vous rappeler qu'il n'y a jamais de perdants aux Jeux olympiques, même si certains reviennent sans médaille d'or, d'argent ou de bronze.

[Traduction]

En 2010, j'ai eu l'occasion de terminer ma carrière dans le hockey en tant que commentateur à la télévision, lors des Olympiques. J'ai vu les Russes, qui forment une équipe très talentueuse, se sentir embarrassés. Je m'étais dit, à l'époque, qu'ils se rachèteraient la prochaine fois, chez eux, mais cela n'a pas été le cas, manifestement. Je n'ai rien contre les Russes, joueurs et entraîneurs, mais leur problème vient essentiellement de leur incapacité à jouer en équipe.

J'aimerais aussi souligner la grande performance des dames.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Demers : Elles doivent toujours lutter pour qu'on leur fasse une place. Je ne parle pas de leur faire une place sur la glace. Je veux dire une place dans le sens de bénéficier de l'aide de commanditaires et de jouir de la reconnaissance qu'elles méritent une fois qu'elles ont atteint leur but. Habituellement, c'est entre le Canada et les États-Unis que tout se joue, mais les Suissesses s'améliorent. C'était beau de voir l'équipe suisse remporter une médaille. Ces femmes canadiennes se donnent entièrement à leur sport. Je trouve que leur fait d'armes est très spécial. Elles nous ont montré ce qu'on peut accomplir lorsqu'on veut être une vraie équipe et travailler en équipe.

(1410)

Hayley Wickenheiser est l'une des plus grandes joueuses de hockey, il n'y a aucun doute là-dessus. Lorsque l'entraîneur, Kevin Dineen — que je connais personnellement —, lui a retiré son titre de capitaine, elle avait toutes les raisons du monde de bouder et d'être en colère. Elle a mis cela derrière elle et s'est entièrement concentrée sur son jeu, même si elle a ralenti.

Les femmes méritent qu'on les louange puisqu'elles ont de la difficulté à être reconnues une fois tous les quatre ans. Elles méritent leur médaille d'or. J'ignore comment la rondelle a pu frapper le poteau et ne pas entrer dans le but. On dit que nous avons des dieux du hockey, et c'est tout à fait vrai.

Pour ce qui est de l'équipe de hockey masculin, je suis très honoré que le directeur général, Steve Yzerman — qui a quitté son poste, et non pris sa retraite —, ait joué pour moi durant quatre ans. Je suis tout aussi honoré d'avoir travaillé avec Kenny Holland à Detroit. Ce sont des personnes spéciales. Tous les athlètes sont des personnes spéciales.

Je connais personnellement Martin St-Louis — et il y a beaucoup de gens comme lui au Sénat. Quand on voit qu'il n'a pas été repêché, qu'il n'a pas été sélectionné il y a quatre ans et qu'il remporte maintenant la médaille d'or, cela en dit long sur notre société.

Je vais conclure en félicitant les hommes. Sidney Crosby est un grand capitaine.

Une voix : Jonathan Toews.

Le sénateur Demers : Il est bien.

Je vais conclure sur quelque chose qui m'a réellement troublé et qui, je l'espère, ne s'est pas produit. Je ne connais rien au patinage artistique sauf que ceux et celles qui le pratiquent sont de grands athlètes et consacrent énormément d'heures à leur sport — mais si ce que j'ai entendu est vrai, cette jeune femme sud-coréenne très spéciale mérite mieux. S'il y a vraiment eu tricherie, il est incroyable que, en 2014, on agisse ainsi. Je n'accuse personne d'avoir triché, mais je trouve la situation regrettable. La jeune femme russe qui a obtenu l'or méritait sa médaille. Elle n'a rien à voir là-dedans.

En conclusion, nous sommes fiers d'être Canadiens!

Le curling

L'équipe de Mme Homan

L'honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, comme l'entraîneur Demers l'a dit, j'aimerais pouvoir jouer comme les femmes et j'ai toujours admiré Martin St-Louis.

Honorables sénateurs, nous avons beaucoup parlé des Jeux d'hiver de Sotchi, mais nous sommes également fiers d'une autre équipe canadienne qui pourrait se retrouver à Pyeongchang en 2018. Je voudrais que vous reteniez le nom d'une autre équipe féminine, une équipe dominante en curling.

À cause de la semaine de pause, je n'ai pas pu transmettre officiellement mes félicitations dans l'enceinte du Sénat. Je tiens donc à féliciter aujourd'hui l'équipe de Rachel Homan de sa victoire au tournoi canadien de curling féminin, qui a eu lieu le 9 février à Montréal. En plus de Mme Homan, qui vient d'Orléans, l'équipe est formée des Ottaviennes Lisa Weagle, Alison Kreviazuk et Emma Miskew.

Leur équipe est la première, depuis 1985, à être demeurée invaincue pendant toute la durée du tournoi. C'était déjà une équipe championne parce qu'elle a aussi remporté le tournoi de l'an dernier, à Kingston.

Cette compétition est probablement mieux connue sous le nom du Tournoi des cœurs Scotties, qui fait référence au fidèle commanditaire du curling féminin, les produits Kruger, et qui exprime bien l'amitié et l'esprit d'équipe qui caractérisent ce sport.

Plus d'un million de Canadiens jouent au curling et plus du tiers de la population canadienne suit chaque hiver ce sport à la télévision. On peut donc dire que le Canada est la capitale mondiale du curling. Les médailles que le Canada a obtenues en curling féminin et masculin à Sotchi le prouvent hors de tout doute.

J'ai toujours été intrigué par la combinaison d'étiquette et de compétitivité qui caractérise le curling, et ce, sans parler des quelques verres qui suivent la partie, des sourires, des poignées de main échangées entre les équipes, du bel enthousiasme des joueurs et de leur extraordinaire concentration. Il ne faut donc pas s'étonner que les joueurs et le public soient si loyaux et fiers.

Et c'est loin d'être terminé, puisque l'équipe de Mme Homan participera le mois prochain au Mondial de curling féminin, qui aura lieu du 15 au 23 mars à Saint John, au Nouveau-Brunswick. Je souhaite bonne chance aux membres d'Équipe Canada et je suivrai leurs prouesses avec plaisir. Rappelez-vous ce nom, honorables sénateurs, Rachel Homan, d'Ottawa, car vous pourriez le voir briller au tableau des médailles en Corée du Sud, en 2018.

Les Jeux olympiques d'hiver de 2014

L'honorable Donald Neil Plett : Honorables sénateurs, combien d'entre vous, selon l'endroit du pays où vous habitez, étiez debout à 5, 6 ou 7 heures du matin le dimanche 23 février pour regarder le match de hockey? Jamais le Canada n'aura autant eu de quoi être fier que durant les deux dernières semaines, lors desquelles nous avons mis notre esprit partisan de côté et acclamé tous ensemble les meilleurs athlètes du monde entier.

Depuis plus d'un an, CBC/Radio-Canada nous annonçait la venue des Jeux olympiques de 2014. On nous parlait de la culture russe. D'aucuns se demandaient si Sotchi était le meilleur endroit où organiser des jeux d'hiver. On nous a aussi parlé des dangers que l'on courait à confier les jeux à la Russie et des attentats terroristes qui pourraient survenir. Les médias ont tenté en vain de refroidir nos ardeurs, jusqu'au jour fatidique du 7 février.

Le président de CBC/Radio-Canada, Hubert Lacroix, s'est rendu à Sotchi plusieurs jours avant le début des jeux, accompagné de Peter Mansbridge et compagnie. Je me demande, honorables sénateurs, quels sièges on leur a attribués dans l'avion.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Plett : Puis vint le moment que tous attendaient : la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques d'hiver de 2014, à Sotchi. Les véritables héros de cette fête ont alors fait leur entrée. Je veux bien sûr parler de nos athlètes.

Les semaines à venir seront sans doute marquées par beaucoup d'hommages à nos merveilleux athlètes, mais aujourd'hui, je tiens à saluer une équipe bien spéciale. Chers collègues, je lève mon chapeau à l'équipe canadienne de curling féminin, qui a remporté la médaille d'or; à sa capitaine, Jennifer Jones; à sa troisième joueuse, Kaitlyn Lawes; à sa deuxième joueuse Jill Officer; et à sa première joueuse, Dawn McEwen. Ces dames s'entraînent à Winnipeg au même club de curling dont je faisais partie, le St. Vital.

L'équipe de Mme Jones est demeurée invaincue lors du tournoi à la ronde, battant tous les pays qui ont participé à l'épreuve féminine de curling. C'est la première fois que cela se produit dans l'histoire du curling féminin aux Jeux olympiques. En plus de cet exploit remarquable, l'équipe de Mme Jones a aussi gagné ses deux parties éliminatoires, remportant ainsi la médaille d'or pour le Canada. C'est un record qui ne peut être battu. Il peut seulement être égalisé. C'est aussi la première médaille d'or remportée par le Canada en curling féminin depuis celle remportée à Nagano, en 1998, par la regrettée Sandra Schmirler.

Mme Jones est une quadruple championne canadienne, une ancienne championne du monde et, maintenant, elle est aussi médaillée d'or olympique. Elle joue au curling depuis qu'elle a 11 ans. Les Manitobains l'ont vue grandir et devenir une joueuse de curling extrêmement douée et compétente, qui a gagné des championnats provinciaux et nationaux avant de gagner le championnat mondial.

Mme Jones a passé toute sa vie au Manitoba. Elle a fréquenté l'Université du Manitoba, et elle travaille maintenant comme conseillère juridique pour la Financière Banque Nationale du Canada. Jennifer et les autres membres de son équipe sont un trésor pour les Manitobains et tous les Canadiens.

Honorables sénateurs, j'espère que vous vous joindrez à moi pour féliciter l'équipe de Mme Jones et tous les autres athlètes canadiens de leur succès remarquable aux Jeux olympiques d'hiver.

Des voix : Bravo!

M. Ford Doolittle

Félicitations pour avoir reçu un prix du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada

L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, Son Excellence le très honorable David Johnston a présenté les prix décernés par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada durant une cérémonie à Rideau Hall plus tôt ce mois-ci.

Le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, ou CRSNG, est un organisme fédéral qui appuie 30 000 étudiants de niveau postsecondaire et titulaires de bourses de recherches postdoctorales dans leurs nombreuses études. Au cours des 10 dernières années, le CRSNG a investi plus de 7 milliards de dollars dans la recherche et la formation. La Médaille d'or Gerhard-Herzberg en sciences et en génie du Canada est remise annuellement et souligne l'excellence des recherches effectuées au Canada. Nommée en l'honneur du lauréat du prix Nobel Gerhard Herzberg, cette médaille est la plus haute distinction décernée par l'organisme et fournit aux récipiendaires une somme de 1 million de dollars sur cinq ans pour financer leurs recherches.

Le lauréat actuel de ce prix est M. W. Ford Doolittle, du département de biochimie et de biologie moléculaire de l'Université Dalhousie, à Halifax.

(1420)

Honorables sénateurs, M. Doolittle est l'un des meilleurs généticiens moléculaires du monde et il est actuellement le doyen de l'une des sept équipes canadiennes qui participent au projet international du microbiome humain. Il a publié plus de 270 articles dans les principales revues scientifiques du monde et supervisé 31 stagiaires postdoctoraux et 35 étudiants de premier cycle et de cycle supérieur.

M. Doolittle est né et a grandi en Illinois. Il a obtenu un baccalauréat en sciences biochimiques de l'Université Harvard en 1963 et un doctorat de l'Université Stanford en 1967. Il est arrivé à l'Université Dalhousie en 1971. Artiste dans ses temps libres, M. Doolittle a étudié au Nova Scotia College of Art & Design, à Halifax, où il a obtenu un baccalauréat en photographie.

J'offre mes plus sincères félicitations à M. Doolittle pour avoir reçu la Médaille Herzberg. Nous le remercions aussi de son appui envers la science et les jeunes Canadiens qui seront nos scientifiques de demain.


AFFAIRES COURANTES

Le Président du Sénat

La délégation parlementaire à Rome, au Saint-Siège, à Skopje, à Podgorica et à Belgrade, du 2 au 12 septembre 2013—Dépôt du rapport

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je demande le consentement du Sénat pour déposer un document intitulé Visite de l'honorable Noël A. Kinsella, président du Sénat, et d'une délégation parlementaire, à Rome, au Saint-Siège, à Skopje, à Podgorica et à Belgrade, du 2 au 12 septembre 2013.

Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Projet de loi sur le transfert de responsabilités aux Territoires du Nord-Ouest

Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-15, Loi remplaçant la Loi sur les Territoires du Nord-Ouest afin de mettre en œuvre certaines dispositions de l'Entente sur le transfert des responsabilités liées aux terres et aux ressources des Territoires du Nord-Ouest et modifiant ou abrogeant la Loi sur les terres territoriales, la Loi sur les eaux des Territoires du Nord-Ouest, la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, d'autres lois et certains décrets et règlements, accompagné d'un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Martin, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

Visiteur à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de M. Adama Dieng, secrétaire général adjoint et conseiller spécial pour la prévention du génocide des Nations Unies. Il est l'invité du sénateur Dallaire.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Affaires sociales, sciences et technologie

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier l'incidence croissante de l'obésité au Canada

L'honorable Kelvin Kenneth Ogilvie : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à examiner, pour en faire rapport, l'incidence croissante de l'obésité au Canada : ses causes, ses conséquences et les solutions d'avenir, notamment, mais pas exclusivement :

a) les tendances alimentaires;

b) les éléments particuliers de l'alimentation;

c) le secteur des aliments transformés;

d) le mode de vie;

e) les initiatives provinciales et fédérales;

f) les pratiques exemplaires ailleurs dans le monde.

Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 30 juin 2015 et qu'il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.

Le Sénat

Préavis de motion exhortant les députés de la Chambre des communes à inviter le vérificateur général à effectuer une vérification approfondie des dépenses

L'honorable Percy E. Downe : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Sénat exhorte les députés à la Chambre des communes du Parlement du Canada à se rallier aux efforts du Sénat en faveur d'une transparence accrue en prenant acte de la demande de longue date des vérificateurs généraux du Canada actuel et antérieurs d'examiner les comptes des deux Chambres du Parlement, et en invitant le vérificateur général du Canada à effectuer une vérification approfondie des dépenses de la Chambre des communes, y compris des députés;

Que les vérifications de la Chambre des communes et du Sénat soient effectuées simultanément, et que les résultats concernant les deux Chambres du Parlement soient publiés en même temps.

L'Ukraine

Préavis d'interpellation

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, je donne préavis que, après-demain :

J'attirerai l'attention du Sénat sur la situation en Ukraine.


PÉRIODE DES QUESTIONS

L'environnement

La stratégie de rétablissement des espèces en péril

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, le Canada s'est doté d'une loi, la Loi sur les espèces en péril, qui exige du gouvernement du Canada l'élaboration d'une stratégie de rétablissement dans certains délais, une fois qu'une espèce a été déclarée en péril.

La juge Anne Mactavish, de la Cour fédérale, a rendu récemment une décision selon laquelle le gouvernement a expressément enfreint cette loi à au moins quatre reprises. Voilà qui est profondément paradoxal, car le gouvernement du Canada prétend sévir contre le crime, réclame des peines minimales obligatoires et réprime toute forme de criminalité. D'un autre côté, il contrevient de façon flagrante à des lois qui s'appliquent à lui, mais qui, pour quelque raison, semblent lui déplaire.

Voici la question que j'ai à poser au leader. Pour commencer, pourquoi le ministère des Pêches et des Océans, alors qu'il avait, aux termes de la loi, trois ans pour publier une stratégie de rétablissement de l'esturgeon blanc de la Nechako et quatre ans pour présenter une stratégie de rétablissement de la baleine à bosse du Pacifique, a-t-il attendu sept et huit ans respectivement pour les rendre publiques, et pourquoi a-t-il fallu qu'il soit poursuivi en Cour fédérale avant qu'il le fasse?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, le sénateur Mitchell prend des citations et des éléments qu'il cite hors contexte. Le gouvernement n'a pas de leçons à recevoir de la part de l'opposition libérale en matière de conservation.

Notre gouvernement s'est engagé à protéger l'environnement. Depuis que nous formons le gouvernement, nous avons créé des aires marines nationales de conservation. Nous avons créé trois zones de protection marine, trois réserves nationales de la faune, deux parcs nationaux, un lieu historique national, et la superficie totale des terres que nous avons protégées représente plus de deux fois la grande ville de Vancouver.

Nous avons également pris des engagements dans le budget de 2014 pour continuer à protéger la faune et la flore. Je rappelle la citation de Conservation de la nature Canada, qui saluait le budget de 2014 et qui affirmait le 11 février 2014, et je cite :

La promesse d'un Plan national de conservation et le soutien continu envers la nature dont le nouveau budget fait preuve confirment, de façon éloquente, l'engagement de ce gouvernement dans le domaine de la conservation.

(1430)

Au lieu de prendre des citations hors contexte provenant de dossiers particuliers, je vous invite à examiner l'engagement à long terme du gouvernement en matière de protection de la faune et de la flore.

[Traduction]

Le sénateur Mitchell : À propos de citations hors contexte, il est curieux que le leader du gouvernement réponde à une question sur la conservation de la baleine à bosse du Pacifique en parlant d'une zone marine dans la baie Georgienne. Aux dernières nouvelles, on n'y avait jamais vu de baleines à bosse. Peut-être était-ce une réponse prévue pour une autre question. Chose certaine, ce n'est pas la question que j'ai posée.

Voici ma deuxième question. Le ministère de l'Environnement avait quatre ans pour élaborer une stratégie de rétablissement du guillemot marbré, oiseau piscivore, et quatre ans pour préparer une stratégie de rétablissement du caribou de montagne du Sud. Pourquoi ne l'a-t-il fait que six et onze ans plus tard, respectivement, ce qui donne un retard de sept ans dans le deuxième cas, et pourquoi a-t-il attendu d'être poursuivi en Cour fédérale?

[Français]

Le sénateur Carignan : Comme je l'ai dit, notre engagement envers la protection de l'environnement est quotidien. Dans les plans d'action adoptés et contre lesquels vous avez voté, nous avons pris des engagements clairs, qui sont d'augmenter la protection et la conservation dans le cadre, entre autres, du budget de 2014.

Notre gouvernement va donc continuer à prendre des mesures pour s'assurer de protéger l'environnement, et particulièrement les aires marines nationales de conservation.

[Traduction]

Le sénateur Mitchell : Je sais que vous prenez des mesures, car vous vous présentez en Cour fédérale pour vous défendre dans des poursuites par lesquelles on vous pousse à faire ce que vous devez faire.

Comment osez-vous vous présenter comme un gouvernement qui réprime sévèrement le crime, qui impose des peines minimales obligatoires — ce qui est notoirement inefficace — et enferme des malades mentaux qui sont en prison non à cause d'un problème de criminalité, mais à cause d'une maladie mentale; comment se fait-il que vous agissez de la sorte, d'un côté, tandis que, de l'autre, vous désobéissez de façon flagrante à des lois qui s'appliquent à vous, à des lois comme celles qui visent à protéger des espèces importantes et à en éviter l'extinction?

[Français]

Le sénateur Carignan : Cela fait plusieurs fois que j'entends la question des peines minimales et cela me donne l'occasion de vous rappeler votre passé libéral et certaines statistiques que je donnais dans un discours sur le sujet.

Depuis 1892, un total de 53 peines minimales ont été introduites au Code criminel. De ce nombre, à 18 reprises ce fut fait par un gouvernement conservateur et à 35 reprises par un gouvernement libéral. Vous vous rappelez sûrement le petit jeu-questionnaire que je faisais lorsque je demandais qui était le premier ministre ayant eu recours le plus souvent aux peines minimales.

Il y a Jean Chrétien, avec onze peines minimales, dont huit en 1995 et trois en 1997; Paul Martin, avec neuf peines minimales, toutes en 2005; Pierre Elliott Trudeau, avec sept peines minimales, dont deux en 1969, quatre en 1976 et une en 1977 et Stephen Harper en avait cinq, dont deux en 2009 et trois en 2010.

En ce qui concerne les peines minimales, j'ai toujours dit que le gouvernement libéral en avait été l'inventeur. Ai-je besoin de vous rappeler les champions ministres de la Justice, inventeurs de peines minimales? Vous n'avez donc pas de leçons à nous donner à ce sujet.

[Traduction]

L'emploi et le développement social

L'Île-du-Prince-Édouard—L'assurance-emploi—Les emplois saisonniers

L'honorable Elizabeth Hubley : J'ai une question à poser au leader du gouvernement au Sénat. Vendredi dernier, la ministre des Pêches et des Océans, l'honorable Gail Shea, a annoncé que le régime d'assurance-emploi serait administré différemment, à l'Île-du-Prince-Édouard, selon le lieu de résidence du prestataire. À première vue, cette mesure peut sembler bénéfique pour les habitants de l'île, mais, comme on dit, tout est dans les détails. Certes, les habitants des régions rurales toucheront des prestations plus longtemps grâce aux modifications apportées, mais ce sera au détriment de ceux qui habitent dans l'agglomération de Charlottetown, qui compte également des localités rurales comme Stratford et Cornwall.

Monsieur le leader, à la différence du gouvernement actuel, les habitants de l'Île-du-Prince-Édouard sont compatissants. Ils savent que le gouvernement doit revenir sur les modifications qu'il a apportées à l'assurance-emploi, mais ils ne veulent pas que cela se fasse au détriment de leurs voisins.

Je le demande au nom des habitants de l'Île-du-Prince-Édouard qui sont touchés par ces modifications : votre gouvernement entend-il revenir sur les modifications apportées au régime d'assurance-emploi, de façon à aider tous les habitants de l'île, où qu'ils habitent?

[Français]

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Évidemment, chaque année nous déposons un plan d'action économique dans le cadre d'un budget contre lequel vous votez chaque année. Par contre, ce plan contient des éléments qui touchent entre autres l'assurance-emploi, particulièrement pour l'Île-du-Prince-Édouard.

Avec ces changements, dans chaque province et territoire, le système d'assurance-emploi reflétera la réalité du marché du travail local et l'assurance-emploi continuera d'être présente pour les Canadiens, y compris dans les régions où l'emploi n'existe tout simplement pas hors de l'industrie saisonnière ou dans les industries spécialisées.

Particulièrement pour l'Île-du-Prince-Édouard, le taux de chômage à Charlottetown est constamment plus bas que celui du reste de la province. Ce changement a été apporté afin de mieux refléter la réalité du marché du travail des régions rurales de l'Île-du-Prince-Édouard. Comme vous voyez, nous avons un plan d'action en faveur de l'assurance-emploi également pour l'Île-du-Prince-Édouard, comme pour l'ensemble des Canadiens.

[Traduction]

La sénatrice Hubley : Question complémentaire, Votre Honneur. Les habitants de l'île ont un point de vue légèrement différent.

Ils connaissent les vraies motivations qui sous-tendent ces modifications à l'assurance-emploi. Ils savent, hélas, que ce n'est rien d'autre qu'un stratagème politique. Comme bien des gens l'ont fait remarquer, ceux qui en profiteront le plus sont les habitants de la circonscription d'Egmont, celle de la ministre, alors que ceux de Malpeque, de Cardigan et, surtout, de Charlottetown auront à en souffrir. Le maire de Charlottetown, Clifford Lee, le ministre de l'Innovation, Allen Roach, la P.E.I. Coalition for Fair EI et le Syndicat canadien de la fonction publique se sont tous exprimés. Selon eux, ces modifications ne tiennent pas debout, et il est injuste d'aider seulement ceux qui habitent dans la circonscription de la ministre.

Pourquoi la ministre, qui représente toute l'Île-du-Prince-Édouard, ne s'occupe-t-elle que des travailleurs saisonniers de sa circonscription quand elle est responsable du bien-être de tous les habitants de la province?

[Français]

Le sénateur Carignan : S'il y a des gens qui ont la perception qu'on ne s'occupe pas de l'assurance-emploi, c'est peut-être qu'ils sont désinformés par des gens de votre côté qui donnent une information inexacte. Comme je l'ai expliqué tout à l'heure, notre priorité est toujours de s'assurer que les emplois disponibles soient en lien avec la formation et la disponibilité de la main-d'œuvre.

C'est vrai pour l'ensemble du pays, c'est également vrai pour l'Île-du-Prince-Édouard. Comme je l'ai dit plus tôt, le taux de chômage à Charlottetown est constamment plus bas que celui du reste de la province et ces changements vont mieux refléter la réalité du marché du travail de l'Île-du-Prince-Édouard.

Nos ministres et nos députés sont fiers de travailler pour leur région et dans le respect d'une vision pour l'ensemble du Canada. C'est de cette façon que notre gouvernement voit les choses en matière d'assurance-emploi. Il s'assure de l'engagement de chacun de ses ministres et députés envers l'ensemble des Canadiens.

[Traduction]

La sénatrice Hubley : J'ai une question complémentaire. Je n'ai qu'une seule pensée à l'esprit : vous ne comprenez tout simplement pas la nature de l'emploi saisonnier et la réalité que doivent vivre les gens qui travaillent pour ces secteurs particuliers.

Il y a quelques semaines, la ministre Shea a dit qu'elle attendait des données concrètes prouvant que ces travailleurs saisonniers sont obligés de quitter l'Île-du-Prince-Édouard pour trouver du travail ailleurs par suite des changements apportés à l'assurance-emploi.

(1440)

Compte tenu des changements annoncés vendredi au système de l'assurance-emploi, la ministre se rend-elle finalement compte que l'assurance-emploi est en crise à l'Île-du-Prince-Édouard?

[Français]

Le sénateur Carignan : Comme je l'ai expliqué, notre gouvernement prend à cœur l'économie et la sécurité financière des Canadiens, et l'assurance-emploi est une part importante de cette protection. Notre gouvernement a apporté des changements raisonnables au régime d'assurance-emploi afin de s'assurer de jumeler plus efficacement les Canadiens sans emploi avec les emplois disponibles dans leur région et qui correspondent à leurs compétences. Les prestations d'assurance-emploi seront toujours là pour aider les gens, y compris dans les régions où se trouvent les emplois saisonniers ou spécialisés. Nous avons créé, entre autres, le service Alerte-Emploi amélioré, pour que les personnes sans emploi puissent plus aisément dénicher des emplois dans leur collectivité et qui correspondent à leurs compétences.

Comme le ministre Kenney l'a déjà dit, selon les meilleures données à notre disposition, parmi les personnes exclues ou inadmissibles aux prestations d'assurance-emploi, moins de 1 p. 100 ont été exclues et déclarées inadmissibles pour avoir omis de chercher du travail ou avoir refusé d'accepter un emploi adéquat. Les données révèlent que 80 p. 100 de la hausse des inadmissibilités est attribuable au fait que les demandeurs se trouvaient à l'extérieur du pays. Il n'y a donc pas de mouvement de personnes qui sont rejetées en raison des nouvelles normes en matière d'assurance-emploi.

[Traduction]

L'honorable Terry M. Mercer : J'avais une question complémentaire à poser, mais vous avez réussi à nous faire perdre le fil, sénateur Carignan. Pouvez-vous, s'il vous plaît, expliquer ce que vous entendez par « se trouvaient à l'extérieur du pays », ce que les interprètes ont rendu par « they have rotated abroad ». Cela n'a aucun sens pour ceux d'entre nous qui vivent dans des régions où l'assurance-emploi constitue une importante part du soutien dont bénéficient les gens qui sont au chômage.

Pouvez-vous nous expliquer ce que vous voulez dire? J'ai vu des regards très surpris de ce côté-ci parce que nous n'avons pas compris. Les interprètes ont peut-être mal compris votre pensée. Je veux donc vous accorder le bénéfice du doute, mais expliquez-vous, je vous prie.

[Français]

Le sénateur Carignan : Peut-être que vous avez mal compris quelque chose, ou peut-être est-ce l'interprétation. Pourtant, vous n'arrêtez pas de me reprocher que je répète les mêmes réponses, donc, à force de les répéter, vous devriez les avoir comprises; j'imagine qu'il y a eu des interprétations conformes. De toute façon, les données révèlent que 80 p. 100 de la hausse des inadmissibilités est attribuable au fait que les demandeurs se trouvaient à l'extérieur du pays. Quand la personne est à l'extérieur du pays, elle n'est pas disponible pour occuper un emploi ici au Canada, et comme elle n'est pas disponible pour occuper un emploi, elle ne peut pas bénéficier du régime d'assurance-emploi. Les cas d'inadmissibilité sont liés à une question de disponibilité à l'emploi.

[Traduction]

L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Je ne sais pas si les interprètes sont en cause, sénateur Carignan, mais j'ai cru comprendre que vous avez dit que 80 p. 100 des demandeurs ont été déboutés parce qu'ils se trouvaient à l'étranger lorsqu'ils ont présenté leur demande. Avec tout le respect que je vous dois, je trouve que cela n'a aucun sens.

Il y a des gens qui travaillent pour des industries saisonnières, surtout dans les régions rurales du Québec et un peu partout dans le Canada atlantique. À cause de la nature saisonnière de leur emploi, ils doivent quitter leur domicile pour essayer de trouver du travail ailleurs. Ils ne se trouvent pas à l'étranger. Pour moi, « à l'étranger » signifie à l'extérieur du pays. Est-ce bien ce que vous voulez dire?

[Français]

Le sénateur Carignan : J'ai dit que 80 p. 100 de la hausse d'inadmissibilité — des cas qui ont donc été déclarés inadmissibles — était occasionnée par des gens qui se trouvaient à l'extérieur du pays, non pas à l'extérieur de la région parce qu'ils ont quitté la région pour occuper un autre emploi, mais à l'extérieur du pays.

[Traduction]

Le sénateur Cowan : Je vois bien que vous avez répété la même chose deux ou trois fois. Je suis sûr que c'est bien ce qui figure dans vos notes. Sénateur Carignan, je voudrais vous demander avec respect de vérifier auprès des gens qui vous ont fourni ces renseignements. En toute franchise, je trouve que cela n'a aucun sens. Vous avez peut-être raison, mais j'ai peine à le croire.

Je suis sûr que vous avez correctement lu vos notes, mais je vous demande encore de vérifier que les renseignements qui vous ont été donnés sont exacts.

[Français]

Le sénateur Carignan : Ce que j'ai expliqué, je vais le répéter et je vais donner le temps à l'interprétation de bien interpréter parce que c'est peut-être le problème, à moins que ce soit simplement une question de vision. Mais je crois qu'il s'agit peut-être d'une question d'interprétation.

Moins de 1 p. 100 des personnes ont été exclues et déclarées inadmissibles pour avoir omis de chercher du travail ou avoir refusé d'accepter un emploi adéquat. De cette proportion de moins de 1 p. 100 de cas déclarés inadmissibles, 80 p. 100 ont été déclarés inadmissibles parce que les personnes étaient à l'extérieur du pays. Je ne sais pas si c'est plus clair de cette façon.

[Traduction]

Le sénateur Mercer : Comme suite à ma question complémentaire, je dirai que je comprends un peu mieux ce que vous essayez de dire, sénateur Carignan. Vous pourriez peut-être, à un moment donné, déposer un document contenant des chiffres concrets qui nous permettraient tous de mieux comprendre.

Ma question complémentaire initiale portait sur le fait que la politique est surtout une question de perception. Nous savons tous que la politique partisane peut entraîner de la confusion, surtout dans mon coin. Aujourd'hui, à l'Île-du-Prince-Édouard, les gens ont l'impression que la ministre des Pêches et des Océans, qui représente une très importante partie de la province, a, de concert avec le ministre, modifié les critères d'admissibilité aux prestations d'assurance-emploi pour une partie de l'île qui se trouve presque exclusivement dans sa circonscription, laissant les trois autres circonscriptions de la province, que détient l'opposition, dans une situation qui les rend beaucoup moins admissibles aux prestations.

On a l'impression, sénateur Carignan, qu'il s'agit là de manœuvres purement partisanes qui nuisent à des gens qui ont vraiment besoin de l'assurance-emploi.

[Français]

Le sénateur Carignan : Je trouve mesquin de constater de la partisanerie dans ce type de dossier. Comme je l'ai expliqué tout à l'heure, particulièrement par rapport à Charlottetown, le taux de chômage est constamment plus bas que celui du reste de la province; ces changements apportés afin de mieux refléter la réalité du marché du travail des régions rurales de l'Île-du-Prince-Édouard s'expliquent donc.

En ce qui a trait aux détails des statistiques, ils figurent sur le site web du gouvernement du Canada, www.nouvelles.gc.ca. Je vous ferai parvenir le lien, avec le détail des données, qui reproduit le message du ministre Kenney dans lequel il expliquait ces statistiques.

Le Conseil privé

Les perspectives stratégiques

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Êtes-vous en mesure de me dire ce qu'il y aura de spécial en 2017?

L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Je peux vous dire que je travaille au jour le jour, semaine après semaine. En 2017, je ne sais pas ce que j'aurai à faire; ce sera l'année de mes 53 ans, mais pour l'instant, je ne vois pas autre chose. Je ne sais pas où vous voulez m'amener.

Le sénateur Dallaire : Justement, cela reflète exactement le vide actuel existant. En 2017, ce sera le 150e anniversaire d'une des démocraties les plus stables dans le monde entier.

(1450)

Deuxièmement, ce sera le 100e anniversaire d'un moment où les jeunes de ce pays ont traversé l'océan, se sont battus, ont saigné, sont morts et ont gagné une bataille qui nous a permis de faire la transition entre une colonie et une nation-État, c'est-à-dire la bataille de la crête de Vimy.

Il y a donc le 150e anniversaire du pays et le 100e anniversaire du moment où le pays est devenu une nation-État.

Quelle est la vision de notre pays pour 2017? J'espère que c'est davantage que simplement bâtir des arénas. Quels sont les objectifs? À quoi peut-on s'attendre au point de vue du leadership de la part du gouvernement conservateur pour notre pays au-delà de 2017?

Le sénateur Carignan : C'était donc cela, le sens de votre question. Évidemment, c'est un anniversaire extrêmement important. Vous connaissez l'importance que nous accordons à célébrer dignement les dates charnières qui ont marqué l'histoire de notre pays, comme nous l'avons fait récemment pour 1812.

Vous comprendrez donc que pour 2017, notre gouvernement a tout mis en œuvre pour s'assurer que les Canadiens puissent souligner de façon importante et digne ces deux anniversaires.

Le sénateur Dallaire : Votre plateforme des dernières élections mentionnait la célébration du 150e anniversaire du Canada, mais pas du tout celle du 100e anniversaire de la bataille de la crête de Vimy, malgré le fait que vous disiez être orientés vers les anciens combattants et la Défense nationale.

Lorsque je dis « ne pas célébrer », je ne veux pas connaître la grosseur des gâteaux. Je veux savoir ce qu'on va réellement faire pour souligner ce moment significatif. Je ne vois pas un leadership vraiment articulé pour l'avenir de ce pays.

[Traduction]

Je me reporte par exemple au rapport publié récemment par l'Institut de la Conférence des associations de la défense et intitulé Perspectives stratégiques du Canada : à la recherche de leadership. Je pense notamment à votre politique Le Canada d'abord, qui était en fait une liste d'emplettes très semblable au livre blanc de 1987 rédigé par Perrin Beatty mais que vous avez vidée de toute substance; c'était une liste d'emplettes, mais vous avez tout retardé; vous avez réduit l'ampleur de plusieurs des projets. L'industrie maritime produit des tonnes de documents, mais pas un seul morceau de tôle n'a encore été coupé.

J'aimerais que vous me disiez si une vision a été définie concernant le rôle du Canada dans le monde, notamment en matière d'affaires étrangères, de défense et de développement international. Avez-vous un plan pour nous guider vers l'avenir, ou allons-nous continuer d'avancer à l'aveuglette, au jour le jour, comme vous l'avez dit dans votre première réponse?

[Français]

Le sénateur Carignan : Sénateur, il est certain que nous avons un plan pour souligner ces événements de façon digne. Est-ce qu'il vous emballera? Je ne le sais pas, mais une chose est certaine, il célébrera dignement l'importance de ces deux anniversaires, particulièrement en ce qui a trait au 100e anniversaire de la bataille de la crête de Vimy.

J'aimerais vous rappeler que, en mai 2013, nous avons annoncé un investissement de 5 millions de dollars pour appuyer la construction d'un centre permanent d'éducation qui sera le Mémorial national du Canada à Vimy, et la construction du centre sera complétée, nous l'espérons, pour avril 2017, soit pour le 100e anniversaire de la bataille de la crête de Vimy.

Le sénateur Dallaire : Vous oubliez le fait que vous avez dépensé 31 millions de dollars pour refaire le monument; le travail a été exceptionnel. Je siégeais alors au comité de reconstruction. Je n'ai aucun problème avec le fait de célébrer. Ma demande est beaucoup plus fondamentale.

Quelle sorte de leadership, quelle orientation, vous qui êtes au pouvoir, êtes-vous en train de préparer pour nous tous, pour notre pays, au-delà des célébrations, de l'installation de pierres tombales et de Dieu seul sait quoi d'autre vous mettrez sur le terrain?

Quelle est votre vision de l'orientation de ce pays, de cette énergie inestimable qu'est notre jeunesse? Y a-t-il quelqu'un qui est en train d'articuler cette vision d'ensemble?

Le sénateur Carignan : Je ne sais pas pour vous, mais préparer un avenir meilleur pour nos enfants et s'assurer que l'on puisse les propulser vers l'avenir dans le pays le plus démocratique, le plus économiquement solide est pour nous une préoccupation et une passion de tous les jours. Nous continuerons de le faire par nos différentes actions, et, en 2017, nous nous assurerons de célébrer dignement ces deux importants anniversaires.

Le sénateur Dallaire : J'ai de la difficulté à croire cela. Nous n'avons pas de politique d'affaires étrangères, pas de politique de défense. Nous n'avons même pas de politique de développement international et la politique du commerce est intégrée quelque part dans l'ensemble.

Quand allez-vous instaurer une politique de défense intégrée avec notre politique internationale?

Le sénateur Carignan : Sénateur, comme je l'ai dit, tous les jours nous nous engageons à nous assurer que les Canadiens soient dignement représentés et nous nous assurons que notre vision soit partagée avec l'ensemble de la population. J'espère que vous continuerez longtemps à participer avec nous à l'élaboration de ces politiques.

[Traduction]

Dépôt de réponses à des questions inscrites au Feuilleton

Les affaires autochtones et le développement du Nord—La décentralisation du gouvernement

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) dépose la réponse à la question no 1 inscrite au Feuilleton par le sénateur Downe.

Le revenu national—La Direction de l'exécution et des divulgations de l'Agence du revenu du Canada

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) dépose la réponse à la question no 9 inscrite au Feuilleton par le sénateur Downe.


ORDRE DU JOUR

Le Budget des dépenses de 2013-2014

Autorisation au Comité des finances nationales d'étudier le Budget supplémentaire des dépenses (C)

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement), conformément au préavis donné le 13 février 2014, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, afin d'en faire rapport, les dépenses prévues dans le Budget supplémentaire des dépenses (C) pour l'exercice se terminant le 31 mars 2014.

Son Honneur le Président : Y a-t-il débat?

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

(1500)

[Français]

La Loi sur la gestion des finances publiques

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Moore, appuyée par l'honorable sénateur Day, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-204, Loi modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques (emprunts de fonds).

L'honorable Ghislain Maltais : Honorables sénateurs, nous reprenons aujourd'hui le débat sur le projet de loi S-204, un projet de loi d'intérêt privé du Sénat intitulé Loi modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques (emprunts de fonds).

Ce projet de loi revient en alternance devant cette Chambre. Le sénateur Moore l'a présenté comme le projet de loi S-204. Toutefois, depuis 2007, il revient continuellement. C'est ce qu'on pourrait appeler un projet de loi micro-ondes ou réchauffé. Par contre, il nous donne l'occasion de mettre en valeur la différence entre la pensée du sénateur Moore et le travail accompli par le gouvernement depuis 2007.

Le gouvernement s'engage à gérer les finances publiques de manière durable et responsable. Cet engagement sous-entend un retour à l'équilibre budgétaire en 2015. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de le rappeler au gouvernement pour qu'il puisse atteindre son objectif légitime pour le bien de tous les Canadiens et Canadiennes. Ces objectifs sont fixés pour l'avenir et sont productifs — ce qui n'est malheureusement pas le cas des mesures contenues dans ce projet de loi. Cela devrait suffire pour nous inciter à la prudence face à un projet de loi de cette nature.

En outre, les modifications apportées à la Loi sur la gestion des finances publiques grâce au budget de 2007 ont permis à notre gouvernement de réagir promptement à la crise financière de 2008. Il est clair que notre gouvernement estime que ce projet de loi n'est pas nécessaire — et je vais donner quelques explications à ce sujet.

En vertu de son cadre législatif, le précédent gouvernement pouvait en tout temps refinancer la dette contractée sur les marchés arrivant à échéance, sous réserve de l'approbation du gouverneur en conseil. Il fallait obtenir une autorisation particulière du Parlement pour contracter des emprunts au-delà des montants permanents de 4 milliards de dollars prévus par la Loi sur le pouvoir d'emprunt de 1996 et 1997. Par le fait des modifications apportées dans le budget de 2007, la Loi sur la gestion des finances publiques du ministre des Finances exige maintenant l'obtention de l'autorisation d'emprunter du gouverneur en conseil, et ce, pour chaque exercice. Auparavant, un processus d'approbation législatif était nécessaire si l'on prévoyait que les besoins d'emprunt allaient augmenter. Les modifications de 2007 rehaussent la transparence et la reddition de comptes par rapport au cadre législatif précédent.

Honorables sénateurs, le ministre des Finances, par le truchement de son budget de 2007, a permis au Canada de traverser la crise financière qui a marqué l'ensemble des pays du monde. Le Canada est arrivé et arrive encore parmi les meilleurs pays du G7, sinon le meilleur, à ce chapitre. Notre système bancaire et le système de gestion des opérations financières canadiennes ont fait en sorte que le Canada a su traverser cette crise mondiale de façon tout à fait remarquable.

L'avenir du Canada dépendra, au cours des 10 prochaines années, de la façon dont le gouvernement gérera ses finances publiques, c'est-à-dire les impôts des contribuables canadiens. L'avenir de nos enfants et de nos petits-enfants dépendra des décisions que l'on doit prendre aujourd'hui. Si on ne prend pas les bonnes décisions, ce sont nos enfants et nos petits-enfants qui en paieront la note. La responsabilité de notre gouvernement, dans sa façon de gérer les finances publiques, est maintenant reconnue mondialement. Nous n'avons de leçon à recevoir de personne. Toutefois, nous demeurons alertes à des conseils judicieux pour mieux gérer les impôts des Canadiens et des Canadiennes.

La loi modifiée en 2007 donne des pouvoirs importants. Pourquoi les restreindre? Pourquoi vouloir replonger dans le passé alors que notre gouvernement est tourné vers l'avenir? Nous n'avons rien à gagner en vivant dans le passé. Nous avons tout à gagner en travaillant pour l'avenir et en regardant vers l'avenir.

Plus tôt, un sénateur disait que nous n'avions pas de plan pour savoir ce qui se passera en 2017. Nous savons déjà que l'équilibre budgétaire sera atteint en 2017. Comment le savons-nous? Parce que le gouvernement a géré de façon efficace les impôts des Canadiens et des Canadiennes. On peut reprocher bien des choses, mais quand l'ensemble des pays du monde affirment que le Canada est le pays qui s'en est sorti le mieux, il faut peut-être les croire. Ce n'est pas un racontar de ragots qui fait ces affirmations. Ce n'est pas sur Facebook ou sur Twitter que l'on tient ces propos; c'est l'ensemble des pays du G7 et du G20 qui le disent.

Plusieurs d'entre nous ont l'occasion d'aller à l'extérieur du pays. Comme vous le savez, on nous répète que nous sommes chanceux au Canada, parce que nous avons une saine administration publique. C'est ce qui est important. Nous avons une administration publique qui nous a permis de traverser des difficultés conjoncturelles et de nous préparer pour l'avenir. Cette décision gouvernementale est prise non pas de façon partisane, mais de façon intelligente, de façon à nous permettre de nous assurer que, au cours des prochaines années, nous atteindrons une stabilité financière — ce qui n'est pas facile en situation de crise économique.

Honorables sénateurs, je crois qu'il est l'heure, pour l'ensemble des membres du Sénat, d'être reconnaissants non seulement envers le gouvernement, mais envers toutes les institutions canadiennes qui ont mis la main à la pâte pour traverser la crise économique. Ce qui est important aujourd'hui, c'est de savoir si on continue ou si on retourne en arrière.

J'invite donc tous les honorables sénateurs, des deux côtés de cette enceinte et de toute allégeance, au-delà de toute partisanerie, et le sénateur Moore, à retirer ce projet de loi, ou tout au moins à voter contre, pour le bien des Canadiens et des Canadiennes.

(Sur la motion de la sénatrice Marshall, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Projet de loi sur la Journée Lincoln Alexander

Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Meredith, appuyée par l'honorable sénatrice Raine, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-213, Loi instituant la Journée Lincoln Alexander.

L'honorable Pana Merchant : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi S-213, Loi instituant la Journée Lincoln Alexander, afin de rendre hommage à un grand Canadien, l'honorable Lincoln MacCauley Alexander, que j'ai eu le privilège de côtoyer au sein du conseil d'administration de la Fondation canadienne des relations raciales, qu'il a présidé à la fin des années 1990 et au début des années 2000.

(1510)

Le Canada est un laboratoire social remarquable.

Edgar Edouard Pisani, un ancien député du Parlement européen, aurait déclaré que, si le Canada disparaissait et, avec lui, toutes les complexités qu'il présente, le monde perdrait un point de référence absolument essentiel.

Lincoln MacCauley Alexander a contribué à définir le Canada. Cet homme de descendance africaine, qui provenait d'un milieu modeste — sa mère était femme de chambre dans un hôtel, tandis que son père était porteur dans une gare —, est né à un moment où le racisme et les préjugés faisaient partie de la réalité. Il a lutté contre le racisme et ses effets dévastateurs.

[Français]

Le racisme remonte loin dans l'histoire du Canada. En effet, le racisme a privé des citoyens canadiens de leurs droits civils fondamentaux et de leurs droits politiques, et a privé des enfants de l'école; des adultes n'ont pas eu accès à des emplois et ont eu un accès limité à la propriété.

À cause du racisme, des citoyens n'ont pas eu le droit d'entrer dans des clubs privés, des hôtels, des bars, des théâtres et d'autres installations de loisirs.

Le racisme a opprimé et déshumanisé des minorités en proférant contre elles des injures ignobles et abusives.

[Traduction]

Lincoln Alexander a toujours dû composer avec les aspects systématiques du racisme, qu'il s'agisse des batailles ou des insultes dans les rues et les cours d'école, des slogans haineux peints sur les édifices, des blagues remplies de préjugés et d'intolérance qui sont racontées pendant les pauses café et diffusées sur Internet ou encore de la rancœur provoquée par les préjugés raciaux, qui perturbe les pratiques dans divers domaines, comme l'emploi, l'éducation, les services communautaires, le maintien de l'ordre et le logement.

Il a été le premier de sa famille à aller à l'université et il est devenu avocat. Il a été le premier Noir à occuper un poste de député, puis un poste de ministre. Il a aussi été le premier membre d'une minorité visible nommé au poste de lieutenant-gouverneur de l'Ontario. Il a été le premier Noir à présider la Commission des accidents du travail et le premier président de la Fondation canadienne des relations raciales. Il est également celui qui cumule les plus longs états de service à titre de chancelier de l'Université de Guelph. Il est récipiendaire de l'Ordre de l'Ontario et compagnon de l'Ordre du Canada. En juin 2006, il a été nommé « Hamiltonien par excellence de tous les temps »; selon lui, cet honneur représentait l'essence même du Canada, car les deux finalistes étaient un survivant de l'Holocauste, M. Arthur Weisz, et lui-même, Lincoln Alexander, un Noir.

Dans son autobiographie de 2006 intitulée Go to School, You're a Little Black Boy, il montre comment les attitudes racistes au Canada ont été pénibles, mais aussi comment elles ont fléchi pendant ses 90 années d'existence. Il attribue sa réussite à l'insistance de sa mère en ce qui a trait aux avantages de l'éducation et au discours de son père, qui préconisait la bonne entente avec les gens.

Il est né le 21 janvier 1922, à Toronto, dans un quartier majoritairement blanc. Il se souvient qu'il ne connaissait que trois familles noires, et qu'il était le seul enfant noir à la maternelle, une réalité qui fut la sienne pendant pratiquement toute la durée de ses études secondaires et universitaires. Au début de son adolescence, il a aussi passé quelques années avec sa mère à Harlem, à New York. Il se rappelle que les rues de Harlem lui ont appris les dures réalités de la vie. Toutefois, là-bas aussi il a trouvé des modèles à suivre dans la communauté noire, des personnes qui n'exerçaient pas un travail manuel. Il raconte :

Cela a confirmé ma résolution de ne pas être un simple porteur. Il y avait des Noirs partout, et c'était important pour moi de voir cela. Dans toutes les professions, dans toutes les couches de la société, les Noirs étaient bien présents. C'était une réalité visible, et fort différente des possibilités de carrières limitées auxquelles m'avait habitué le Canada.

En 1942, à l'âge de 20 ans, il a fait pression sur les Forces canadiennes, qui ne voulaient pas enrôler de Noirs. Il a obtenu une place dans l'Aviation royale du Canada, où il a passé environ trois ans, et il a accédé au rang de caporal. Sa vue était trop faible pour qu'on l'envoie outre-mer, mais son emploi de radiotélégraphiste lui a permis de voyager d'un bout à l'autre du pays.

Après la guerre, il s'est inscrit à l'Université McMaster. Il a terminé parmi les premiers de sa promotion en 1949. Pendant les vacances d'été, il travaillait au four à sole de Stelco, où il espérait obtenir une position dans le secteur des ventes. L'entreprise souhaitait vivement embaucher des anciens combattants, mais elle a refusé d'embaucher un ancien combattant noir.

Démoralisé, il s'est inscrit à la Osgoode Hall Law School. Son diplôme obtenu, il a encore éprouvé des difficultés. Il n'arrivait pas à trouver un cabinet pour faire son stage. Il a fini par trouver un poste dans une société juive qui sympathisait, peut-être parce que les juifs aussi avaient buté sur des obstacles. Il a été appelé au barreau en 1953. Plus tard, il a aidé à fonder la première société d'avocats interraciale. Cette dernière se vantait d'avoir des associés de toutes les couleurs : un Noir, un Blanc, un Asiatique et un Autochtone.

La Journée Lincoln Alexander permettrait de rendre hommage à cet homme généreux qui a eu une influence marquante. Elle servira du même coup à rappeler le nombre croissant de modèles exceptionnels qui existent parmi les Noirs au Canada et dont la contribution a enrichi le tissu même de la société canadienne et fait progresser son bien-être.

Songeons par exemple à sir James Douglas, le Noir qui a le plus marqué l'histoire du Canada. Il est né en Guyana d'un père écossais et d'une mère barbadienne de couleur. Il a été le premier gouverneur de la Colombie-Britannique, en 1858, et on lui doit d'avoir empêché que la Colombie-Britannique ne se joigne aux États-Unis.

Pensons à Mary Ann Shadd, militante anti-esclavagiste, journaliste, éditrice, enseignante et avocate américano-canadienne. Elle a été la première éditrice noire en Amérique du Nord, et la première femme à exercer cette activité au Canada.

Nous pouvons aussi penser à Elijah McCoy, inventeur et ingénieur, qui était le fils d'esclaves fugitifs. Il a inventé un dispositif autorégulé de lubrification pour les sociétés ferroviaires et maritimes, et il a obtenu plus d'une cinquantaine de brevets tout au long de sa vie. Hélas, il a été en bute à la discrimination raciale même une fois devenu inventeur célèbre.

Il y a encore William Hall, le premier Noir et le premier Néo-Écossais à recevoir la Croix de Victoria, la plus haute distinction de l'empire britannique soulignant la vaillance militaire.

Nous pouvons ajouter d'autres noms : le Dr Stephen Blizzard, ancien président de la Canadian Aerospace Medicine and Aeromedical Transport Association; le Dr Felix Durity, pionnier de la neurochirurgie au laser; Oscar Peterson, compositeur et pianiste; Austin Clarke, journaliste et radiodiffuseur; Daniel G. Hill III, ancien président de la Commission des droits de la personne de l'Ontario; Lawrence Hill, romancier canadien primé; Donovan Bailey, légende de l'athlétisme canadien. Il y a aussi des modèles dans la vie publique au Canada, comme la très honorable Michaëlle Jean, 27e gouverneur général du Canada, l'honorable Jean Augustine, ancienne domestique de la Grenade qui a été la première Noire élue au Parlement fédéral et dont la motion de 1995, adoptée à l'unanimité, a fait de février le Mois de l'histoire des Noirs; l'honorable Rosemary Brown, législatrice légendaire de la Colombie-Britannique; l'honorable Julius A. Isaac, juge en chef de la Cour fédérale; le Dr Howard McCurdy, militant social et législateur ontarien; notre ancien collègue, le sénateur Oliver, qui a servi avec honneur au Sénat pendant 23 ans, et les parlementaires d'ascendance africaine des deux Chambres du Parlement, dont nos collègues, la sénatrice Cools et le sénateur Meredith.

La discrimination raciale contre les Noirs n'a toutefois pas disparu du Canada. On a signalé récemment des incidents de profilage racial, notamment contre des Noirs. Le taux de chômage parmi les groupes raciaux est inacceptable. Le taux de décrochage chez les élèves noirs atteint des proportions astronomiques, et les familles canadiennes noires vivent toujours dans des conditions difficiles.

(1520)

[Français]

La présence des Noirs remonte au début de la colonie, soit au XVIIe siècle. Quand ils se sont joints à nous, trop peu d'entre eux ont été traités comme ils espéraient l'être, c'est-à-dire équitablement. Ils ont été trop peu nombreux à avoir leur juste part de la promesse, de l'affluence et du statut de population dominante, autant de la part du secteur public que privé.

[Traduction]

La citation qui suit au sujet des Allemands est attribuée à Martin Neimöller, un théologien antinazi. Je vous la lis, car elle vaut la peine d'être entendue :

Quand ils sont venus chercher les communistes,
je n'ai pas protesté
parce que je ne suis pas communiste.
Quand ils sont venus chercher les Juifs,
je n'ai pas protesté
parce que je ne suis pas Juif.
Quand ils sont venus chercher les catholiques,
je n'ai pas protesté
parce que je suis protestant.
Et lorsqu'ils sont venus me chercher,
il n'y avait plus personne pour protester.

Lincoln Alexander a prononcé son tout premier discours à la Chambre des communes le 20 septembre 1968. En voici un extrait :

Je ne suis pas le porte-parole des Noirs, on ne m'a pas fait cet honneur. Je m'en voudrais de donner à quiconque cette impression. Toutefois, le compte rendu doit faire ressortir que j'accepte la responsabilité de parler en leur nom et au nom de tous les autres membres de cette grande nation qui s'estiment victimes de préjugés touchant leur race, leurs croyances ou la couleur de leur peau.

En novembre dernier, les députés de l'Assemblée législative de l'Ontario ont adopté à l'unanimité un projet de loi visant à faire en sorte que, chaque année, le 21 janvier soit la Journée Lincoln Alexander. Honorables sénateurs, pendant le Mois de l'histoire des Noirs, il conviendrait tout particulièrement que le Sénat fasse du 21 janvier la Journée Lincoln Alexander, une journée de reconnaissance nationale.

L'honorable David P. Smith : Honorables sénateurs, j'interviens brièvement pour rendre hommage à Lincoln Alexander et pour manifester mon appui à l'égard de ce projet de loi et de la motion du sénateur Meredith. Je serai bref, mais je devais absolument profiter de l'occasion pour dire quelques mots au sujet de Linc.

Linc était un ami. J'ai siégé en même temps que lui à la Chambre des communes et il nous arrivait parfois de discuter et de manger ensemble. C'était un homme chaleureux, amical et doté d'un grand sens de l'humour. Il faisait bonne impression — et j'aime les gens qui font bonne impression. Malgré ses origines modestes, il a réalisé bien des choses.

Je me souviens de l'époque où, quand j'étais enfant, je voyageais en train avec mes parents. Tous les porteurs étaient alors invariablement noirs. C'était le métier du père de Linc. Lui-même était déterminé à exercer une profession libérale. Il était donc allé à l'université et à la faculté de droit. Vous avez entendu la sénatrice Merchant parler de ses nombreuses réalisations. Oui, il a été le premier Noir à être nommé lieutenant-gouverneur au Canada, mais la liste des postes qu'il a été le premier à occuper est très longue. La sénatrice Merchant n'en a mentionné que quelques-uns.

Il n'y a pas de doute que Linc était un self-made man. J'ai toujours eu beaucoup de respect pour les gens qui ne doivent leur réussite qu'à eux-mêmes. Cela me fait penser à Obama qui, lui aussi, est un self-made man, comme en témoignent ses antécédents et ses réalisations.

Quant à son sens de l'humour, je me souviens d'un déjeuner que j'ai pris avec lui et avec un collègue de son caucus, député albertain que je ne nommerai pas. C'était quelques semaines avant qu'il ne donne sa démission à la Chambre des communes en 1980 pour accepter les fonctions de président de la Commission ontarienne des accidents du travail. Son collègue avait lancé une pointe au sujet des compétences de Linc, qui venait de parler de son désir de faire autre chose. Le commentaire comportait une allusion raciste très subtile, venant d'un collègue député. J'étais vraiment stupéfait. Si quelqu'un veut que je lui dise en privé de qui il s'agissait, je le ferai, mais je ne dirai pas son nom en public.

Linc a gardé le silence pendant 30 secondes. Ensuite, il a souri et a dit : « C'est très bien, si c'est ce que vous pensez. » Puis il a souri encore. Je m'étais alors dit : « Linc, vous êtes un vrai gentleman. Je suis fier de vous. »

Linc, si vous nous écoutez de là-haut — et j'espère que vous êtes bien là —, je tiens à vous dire que je suis encore très fier de vous et que j'appuie ce projet de loi, ainsi que la motion du sénateur Meredith.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Honorables sénateurs, je n'ai pas eu le privilège de connaître Lincoln Alexander, mais je suis sûre que tous ceux et celles qui font partie de ma génération connaissent son énorme importance dans l'histoire de notre pays et savent à quel point il y a contribué.

Dans son discours aussi réfléchi que bien documenté, la sénatrice Merchant a mentionné un certain nombre de sénateurs noirs. Toutefois, à moins que je n'aie manqué quelque chose, elle en a omis un, le sénateur Calvin Ruck. Pour ceux qui n'ont pas eu le privilège de connaître le sénateur Ruck, je dirai que ce fut un monument de l'histoire et de la vie canadienne. Il était originaire de la Nouvelle-Écosse. Je ne sais pas si son père était ou non porteur dans une gare, mais il a lui-même exercé ce métier à un moment où les Noirs — je suppose qu'il s'agissait exclusivement d'hommes à cette époque — n'étaient pas autorisés à travailler dans les cuisines des trains parce qu'on ne les jugeait pas assez bons pour éplucher les pommes de terre que des Blancs allaient manger. Le sénateur Ruck a donc été porteur pendant plusieurs années.

Si je me souviens bien, il avait ensuite réussi à trouver un emploi de concierge à la BFC Shearwater, près de Halifax. Il avait choisi un poste de nuit parce qu'il pouvait se débarrasser rapidement de sa corvée de nettoyage pour aller lire à la bibliothèque. C'est ce qu'il faisait. Il lisait, lisait et lisait encore. Il est devenu un pionnier de l'avancement des droits des Noirs néo-écossais et, par extension, de toute la population de la Nouvelle-Écosse. Ce ne fut pas chose facile.

J'ai été assise à côté de lui pendant quelque temps au Sénat. Il m'avait raconté une histoire remontant à l'époque où il avait une jeune famille. Il avait trouvé un lotissement à Dartmouth, de l'autre côté de la baie, en face de Halifax, et envisageait d'y acheter une maison. Les voisins avaient fait circuler une pétition pour l'empêcher d'emménager. Il avait gagné cette bataille, comme il en avait remporté beaucoup d'autres.

On dit que, dans son temps libre, il chargeait sa voiture de brochures et d'autres textes de documentation et parcourait la Nouvelle-Écosse pour éduquer les Noirs de la province, qui avaient pendant si longtemps été victimes d'une grave discrimination : « Nous pouvons agir, et nous le ferons ensemble. » Il l'a fait et a fini par se retrouver au Sénat du Canada.

Toutefois, à son arrivée au Sénat, il était déjà malade. Je crois donc que la plupart d'entre nous n'ont jamais eu l'occasion de le voir tel qu'il était lorsqu'il a marqué l'histoire de notre pays.

(1530)

Comme je l'ai dit, j'ai eu le privilège de siéger à ses côtés et de l'entendre raconter ce qu'il avait enduré au Canada. Je me souviendrai toujours du fait qu'il n'était nullement amer lorsqu'il nous racontait ces histoires. Si j'avais eu la vie qu'il a vécue, je serais profondément amère.

Or, Calvin Ruck n'était jamais amer. Il racontait ce qui lui était arrivé parce qu'il croyait que c'était important que nous connaissions notre histoire et que nous en tirions des enseignements. Il a changé la façon dont j'envisageais le Canada. Il m'a donné des raisons d'avoir honte de mon pays, mais aussi des raisons d'en être fière, notamment compte tenu de ce qu'il avait lui-même accompli et du fait qu'il avait été nommé au Sénat du Canada malgré les énormes obstacles qu'il avait eus à surmonter. À mon avis, voilà une bonne raison d'être fière de mon pays.

Je ne voulais pas que le débat s'ajourne sans qu'on se souvienne de Calvin Ruck. Cela dit, chers collègues, je propose l'ajournement du débat à mon nom pour le temps de parole qu'il me reste.

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, le débat est ajourné.)

La Loi sur les Indiens

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Ngo, appuyée par l'honorable sénatrice Bellemare, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-428, Loi modifiant la Loi sur les Indiens (publication des règlements administratifs) et prévoyant le remplacement de cette loi.

L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour parler du projet de loi C-428, Loi modifiant la Loi sur les Indiens (publication des règlements administratifs) et prévoyant le remplacement de cette loi. Il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire.

Honorables sénateurs, j'ai lu le projet de loi et essayé d'adopter une approche sensée en me plaçant du point de vue des Premières Nations. Le titre même m'a fait réfléchir. À première vue, il semble anodin : « Loi modifiant la Loi sur les Indiens [...] et prévoyant le remplacement de cette loi ». Même si les mots « prévoyant le remplacement de cette loi », c'est-à-dire le remplacement de la Loi sur les Indiens, peuvent sembler anodins, ils peuvent avoir des répercussions d'une très grande portée. Comme on le dit souvent, ce sont les détails qui posent problème. Il est donc important d'examiner la formulation — les détails — très attentivement.

Le projet de loi C-428 prévoit également l'abrogation de plusieurs articles et paragraphes supposément « désuets » de la Loi sur les Indiens. Comme nous attendons toujours que les documents promis par le député soient livrés à mon bureau, je n'ai pas encore pu étudier le raisonnement de celui-ci concernant le projet de loi. Je poursuis mes recherches et mon examen du projet de loi et je propose l'ajournement du débat pour le reste de mon temps de parole.

(Sur la motion de la sénatrice Dyck, le débat est ajourné.)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur MacDonald, appuyée par l'honorable sénateur Greene, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-290, Loi modifiant le Code criminel (paris sportifs).

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Le sénateur Runciman m'a prié de demander le consentement du Sénat pour reprendre le compte des jours à zéro pour ce projet de loi. Je demande aux sénateurs d'approuver la reprise du compte à zéro au nom du sénateur Runciman.

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, au nom du sénateur Runciman, le débat est ajourné.)

Projet de loi sur la sensibilisation à la densité mammaire

Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Martin, appuyée par l'honorable sénatrice Marshall, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-314, Loi concernant la sensibilisation au dépistage chez les femmes ayant un tissu mammaire dense.

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, je vois que l'astérisque indique que je suis la marraine de ce projet de loi. C'est faux, et j'aimerais que ce soit corrigé. Il est ajourné à mon nom et, si vous le permettez, je demande encore une fois que l'on reprenne le compte des jours à zéro pour ce projet de loi.

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, au nom de la sénatrice Marshall, le débat est ajourné.)

[Français]

La Loi de l'impôt sur le revenu

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Maltais, appuyée par l'honorable sénateur McIntyre, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-377, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu (exigences applicables aux organisations ouvrières).

L'honorable Ghislain Maltais : Honorables sénateurs, je demande l'ajournement du débat au nom de l'honorable sénateur Dagenais.

(Sur la motion du sénateur Maltais, au nom du sénateur Dagenais, le débat est ajourné.)

[Traduction]

L'étude sur les questions de discrimination dans les pratiques d'embauche et de promotion de la fonction publique fédérale et l'évolution du marché du travail pour les groupes des minorités visibles dans le secteur privé

Adoption du deuxième rapport du Comité des droits de la personne et demande de réponse du gouvernement

Le Sénat passe à l'étude du deuxième rapport du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, intitulé L'équité en matière d'emploi dans la fonction publique fédérale : vigilance et égalité vont de pair, déposé au Sénat le 10 décembre 2013.

L'honorable Mobina S. B. Jaffer propose :

Que le rapport soit adopté et que, conformément à l'article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le président du Conseil du Trésor étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport.

— La sénatrice Jaffer : Je prends la parole aujourd'hui pour parler du rapport du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, intitulé L'équité en matière d'emploi dans la fonction publique fédérale : vigilance et égalité vont de pair, déposé au Sénat en décembre 2013.

Tout d'abord, je vais donner quelques renseignements généraux au sujet de la Loi sur l'équité en matière d'emploi. Je vais ensuite revenir sur les rapports que le comité a produits précédemment sur ce sujet. Pour finir, je vais parler du plus récent rapport.

J'aimerais informer tous les sénateurs ici présents que le rapport a été adopté à l'unanimité par le Comité sénatorial des droits de la personne.

La Loi sur l'équité en matière d'emploi est entrée en vigueur en 1996. Elle s'applique à la fonction publique fédérale et aux entreprises privées sous réglementation fédérale et exige que des mesures positives soient prises pour intégrer les membres des groupes désignés dans ces secteurs d'emploi. Les groupes désignés sont les femmes, les Autochtones, les personnes handicapées et les minorités visibles.

En reconnaissant qu'il ne suffit pas de traiter tout le monde de la même façon, la loi vise à atteindre l'égalité en milieu de travail tout en luttant contre le traitement défavorable que les quatre groupes désignés — les femmes, les Autochtones, les personnes handicapées et les minorités visibles — subissent en milieu de travail.

La loi reconnaît qu'il faut parfois prendre des mesures spéciales et tenir compte de certaines différences pour atteindre la véritable égalité.

(1540)

La loi exige que les employeurs sous réglementation fédérale évaluent le degré d'équité en matière d'emploi dans leur milieu de travail et mettent en place des politiques pour apporter les changements nécessaires.

Examinons certains rapports sur l'équité en matière d'emploi qui ont été publiés par le Comité sénatorial des droits de la personne.

[Français]

Depuis 2004, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne conserve un ordre de renvoi permanent pour examiner la question de la discrimination dans les pratiques de recrutement et de promotion de la fonction publique fédérale et pour étudier dans quelle mesure les objectifs d'équité en matière d'emploi sont atteints.

Le comité continue de prêter attention à cet enjeu parce que l'équité en matière d'emploi n'est toujours pas chose faite dans la fonction publique fédérale, et nous pensons que nous pouvons proposer des recommandations pratiques pour améliorer la situation.

Au début, nous avons mis l'accent sur la nécessité d'accorder plus d'attention à l'équité en matière d'emploi et de prendre les moyens pour y arriver.

Maintenant que des mesures ont été prises, la priorité est passée à la surveillance et à l'évaluation, afin de mesurer l'efficacité des efforts déployés à ce jour.

Le comité a produit trois rapports au cours de cette étude, dont le plus récent, L'équité en matière d'emploi dans la fonction publique fédérale : vigilance et égalité vont de pair, a été présenté au Sénat en décembre 2013.

[Traduction]

Le premier rapport présentant les résultats préliminaires, intitulé L'équité en matière d'emploi dans la fonction publique fédérale : Nous n'y sommes pas encore, a été publié en février 2007. Bien que des améliorations aient été apportées à l'époque, le comité a constaté que l'évolution n'était pas assez rapide. On a découvert que les minorités visibles demeuraient sous-représentées à la fonction publique fédérale, et qu'aucun groupe désigné n'était bien représenté à l'échelon de la direction, ni dans tous les groupes professionnels.

Chez les personnes handicapées, le taux de recrutement au sein de la fonction publique fédérale était particulièrement faible par rapport au taux de représentation, c'est-à-dire au pourcentage des employés de la fonction publique qui font partie d'un groupe désigné.

Le comité était également préoccupé par le taux d'employés autochtones au sein de certains ministères.

[Français]

Le rapport contient trois recommandations :

  • que les primes des sous-ministres soient liées aux évaluations du rendement en termes de progrès à l'égard des objectifs d'équité en matière d'emploi et de diversité;
  • que la fonction publique fédérale élabore des moyens concrets de mettre en œuvre son plan d'action afin de garantir un accès égal aux postes de direction et à toutes les catégories professionnelles pour chacun des groupes désignés;
  • que la fonction publique fédérale adopte une politique précise garantissant l'élimination efficace des obstacles systémiques dans les procédures de recrutement et de dotation.

[Traduction]

Le deuxième rapport, intitulé Refléter le nouveau visage du Canada : L'équité en emploi dans la fonction publique, a été publié en juin 2010. Ce rapport faisait état d'un certain nombre de difficultés sur les plans tant de la collecte de données que de l'exactitude des données lorsqu'il s'agit de déterminer le taux de représentation, en particulier celui des minorités visibles. Il était également question des statistiques désuètes sur la disponibilité de la main-d'œuvre, lesquelles nous indiquent le pourcentage de la population active qui s'identifie comme membre d'au moins un groupe désigné.

Honorables sénateurs, nous sommes maintenant en 2014, mais nous utilisons encore des statistiques de 2006. Les statistiques sur la disponibilité au sein de la population active sont fondées sur les données du recensement et publiées plusieurs années après la cueillette des renseignements, ce qui nuit à leur exactitude.

[Français]

Les autres enjeux abordés dans le rapport incluent l'impact des postes non annoncés sur l'équité en matière d'emploi et le déclin marqué du nombre de postulants appartenant à une minorité visible, ce qui revient à dire que le nombre de postulants dépasse largement le nombre de personnes qui obtiennent un emploi.

L'accès à des postes de cadre, la concentration des employés autochtones dans quelques ministères et la dotation insuffisante de personnes handicapées, voilà autant de sujets qui ont été soulevés dans le rapport de 2007, qui n'étaient toujours pas réglés en 2010.

[Traduction]

Le deuxième rapport proposait 13 recommandations, dont certaines figuraient dans le premier rapport, mais n'avaient pas encore été mises en œuvre. Parmi les nouvelles recommandations se trouvaient celles-ci :

[Français]

Sur la compréhension du déclin des minorités visibles.

Sur la défense des droits et la responsabilité :

.que le gouvernement fédéral trouve des moyens concrets de responsabiliser les gestionnaires de la fonction publique fédérale à l'égard des normes présentées dans la Loi sur l'équité en matière d'emploi;

.que le gouvernement fédéral accorde une attention particulière à la culture organisationnelle et au leadership dans ses efforts pour atteindre les objectifs d'équité en emploi;

.que le gouvernement fédéral se dote d'une stratégie de communication visant à promouvoir ses objectifs relativement à l'équité en matière d'emploi.

Sur les cas de discrimination :

.que le gouvernement s'efforce d'améliorer l'efficacité et l'accessibilité du système de protection des droits de la personne érigé aux termes de la Loi canadienne sur les droits de la personne, afin de pouvoir agir concrètement pour protéger les individus contre la discrimination.

[Traduction]

À propos du rapport le plus récent : en octobre 2011, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a entrepris de nouvelles audiences sur l'équité en matière d'emploi dans la fonction publique fédérale.

Quelques mots sur la situation des groupes désignés. On constate des améliorations considérables depuis 2010. Il reste toutefois beaucoup à faire, notamment pour que les minorités visibles soient convenablement représentées dans la fonction publique fédérale.

Honorables sénateurs, comme je l'ai souligné, la fonction publique fédérale utilise des statistiques de 2006, mais la population canadienne compte maintenant beaucoup plus de gens des minorités visibles qu'à cette époque. D'après les données de 2006, les minorités visibles représentaient 12,1 p. 100 de la population. Ce chiffre a beaucoup augmenté depuis. Dans certaines villes, les minorités visibles représentent certainement 35 p. 100 de la population, voire la moitié et même plus.

Il faut donc traiter les conclusions avec prudence, puisqu'elles sont fondées sur les données de 2006 concernant la disponibilité au sein de la population active. C'est donc dire que le pourcentage correspondant aux minorités visibles est probablement trop faible.

Les employés autochtones sont toujours concentrés dans certains ministères. De plus, leur taux de départ est plus élevé que leur taux d'embauche.

Pour ce qui est des personnes handicapées, certains ont l'impression que le gouvernement réussit à atteindre ses objectifs grâce aux fonctionnaires déjà en poste qui deviennent handicapés, plutôt que grâce au recrutement de personnes handicapées. Ce phénomène étant encore mal connu, on ne peut pas confirmer si c'est le cas.

[Français]

Finalement, les femmes accusent un retard par rapport aux hommes sur le plan de la nomination à des postes de direction et à des postes assortis de salaires élevés; elles sont aussi largement confinées à certaines occupations et à certains ministères.

Elles demeurent concentrées dans les postes de soutien administratif et les postes généralement moins rémunérateurs, et elles sont surreprésentées pour ce qui est des nominations d'une durée déterminée.

Voici les recommandations :

Le rapport intitulé L'équité en matière d'emploi dans la fonction publique fédérale : vigilance et égalité vont de pair traite des changements découlant de la création du Bureau du dirigeant principal des ressources humaines (BDPRH), en 2009, du récent réaménagement des effectifs — et de ses effets sur l'équité en matière d'emploi —, ainsi que des défis relatifs à la collecte et à l'analyse des données et de la défense des droits en équité en matière d'emploi.

Comme de nombreuses observations principales formulées par le comité dans Refléter le nouveau visage du Canada sont toujours d'actualité, le comité continue d'appuyer les 13 recommandations qu'il y a présentées.

Le rapport offre deux nouvelles recommandations, une au sujet de la surveillance et de l'évaluation et l'autre par rapport à la défense des droits en matière d'équité d'emploi.

(1550)

En ce qui concerne la surveillance et l'évaluation, le comité recommande que le gouvernement fédéral appuie une surveillance et une évaluation accrues afin d'aider à atteindre l'objectif d'équité en matière d'emploi au sein de la fonction publique fédérale.

[Traduction]

La recommandation au sujet de la surveillance et de l'évaluation souligne un certain nombre de domaines où des améliorations s'imposent.

Honorables sénateurs, le Canada a fait de gros progrès pour ce qui est du nombre de membres de la fonction publique appartenant à ces quatre groupes, mais ce serait négligent de ma part de ne pas vous rappeler que, pour atteindre l'égalité, nous devons traiter certaines gens différemment.

Je vais vous lire la définition acceptée par le Conseil du Trésor de la fonction publique fédérale pour les termes suivants :

Égalité formelle

L'égalité formelle est réalisée lorsque l'on traite de façon identique les membres de la communauté minoritaire de langue officielle et ceux de la communauté majoritaire en leur offrant des services identiques en français et en anglais, sans tenir compte des possibles différences existant entre membres des deux communautés.

Égalité réelle

L'égalité réelle est réalisée lorsque l'on prend en considération, là où cela est nécessaire, des différences dans les caractéristiques et les circonstances de la communauté minoritaire, en offrant des services avec un contenu distinct ou au moyen d'un mode de prestation différent afin d'assurer que la minorité reçoive les services de la même qualité que la majorité. Cette démarche est la norme en droit canadien.

Honorables sénateurs, c'est la norme en droit canadien, mais nous n'avons toujours pas atteint l'égalité. Permettez-moi de donner quelques exemples.

En ce qui a trait aux femmes, dans l'affaire Meiorin, un cas d'obligation d'accommodement, le même test d'aérobie était exigé pour tous les pompiers forestiers. Une femme pompier a échoué le test et a été congédiée, malgré le fait qu'elle faisait son travail de façon satisfaisante. La preuve a démontré que les femmes sont incapables d'accroître leur capacité physique suffisamment pour réussir ce test, et la nécessité de le réussir pour exécuter le travail n'a pas pu être établie.

Le fait de traiter les hommes et les femmes de la même manière, c'est-à-dire d'exiger que l'un et l'autre passent le même test, désavantageait injustement les femmes.

En ce qui a trait aux personnes handicapées, la rampe d'accès pour les fauteuils roulants est un bon exemple. On recommande aussi de donner la possibilité de travailler à domicile aux personnes sensibles à certains produits chimiques ou d'adopter des politiques de congés de maladie adaptées pour certains types de handicaps.

Honorables sénateurs, c'est une catégorie qui préoccupe beaucoup notre comité parce que l'accès à la fonction publique aux personnes handicapées est insuffisant. Si la fonction publique satisfait à la norme, c'est parce que des personnes tombent malades après avoir été embauchées plutôt qu'avant.

Pour ce qui est des membres des minorités visibles et des Autochtones, c'est un groupe en expansion et il reste beaucoup à faire pour qu'ils soient suffisamment représentés dans la fonction publique fédérale. Nous avons entendu à plusieurs reprises qu'il y a des problèmes de discrimination, tant envers les Autochtones — m'accordez-vous cinq minutes, s'il vous plaît?

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, êtes-vous d'accord pour que nous donnions cinq minutes de plus à la sénatrice Jaffer?

Des voix : D'accord.

La sénatrice Jaffer : Merci.

Il y a discrimination systémique envers les Autochtones et les personnes de minorités visibles.

Honorables sénateurs, je vous informe aujourd'hui qu'il y a eu beaucoup de progrès mais, si vous êtes un fonctionnaire membre d'une minorité visible ou d'une collectivité autochtone et que vous êtes la cible de discrimination, vous n'irez pas loin dans votre carrière. Nous avons encore beaucoup à faire.

Puis-je vous demander d'adopter ce rapport?

Son Honneur le Président intérimaire : Poursuivons-nous le débat? Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, l'honorable sénatrice Jaffer propose, avec l'appui de l'honorable sénatrice Ringuette :

Que le rapport soit adopté et que, conformément à l'article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le président du Conseil du Trésor étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

L'étude sur l'évolution de la situation économique et politique en Turquie

Deuxième rapport du Comité des affaires étrangères et du commerce international—Adoption de la Motion d'amendement—Suite du débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Fortin-Duplessis, appuyée par l'honorable sénatrice Unger, tendant à l'adoption du deuxième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, intitulé Jeter des ponts : les liens entre le Canada et la Turquie et leur potentiel, déposé au Sénat le 28 novembre 2013;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénatrice Andreychuk, appuyée par l'honorable sénateur Plett, que la motion tendant à l'adoption du rapport soit modifiée pour qu'elle se lise comme suit :

Que le deuxième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, intitulé Jeter des ponts : les liens entre le Canada et la Turquie et leur potentiel, présenté au Sénat le 28 novembre 2013, soit adopté et que, conformément à l'article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre des Affaires étrangères étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport, en consultation avec le ministre du Commerce international.

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, je prends la parole sur cette motion d'amendement tendant à l'adoption du deuxième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, l'étude sur l'évolution de la situation économique et politique en Turquie. Le rapport est le fruit de l'étude, arrivée à point nommé, que le Comité des affaires étrangères a menée sur la relation entre le Canada et la République turque, un pays qui a été créé en 1923, après la guerre, et dont la capitale est Ankara. Il ne faut pas confondre ce pays avec l'ancien Empire ottoman, qui a été dissous et morcelé après sa défaite lors de la Première Guerre mondiale, que l'on appelait la Grande Guerre.

Nombreux sont ceux qui utilisent les mots « Turquie » et « Turc » pour parler de l'ancien Empire ottoman. Pour éviter tout malentendu, il faut clairement comprendre que la République turque et l'ancien Empire ottoman sont deux entités constitutionnelles et deux États distincts. Le rapport porte sur la relation entre le Canada et la République turque, la nation indépendante et souveraine, qui possède sa propre Constitution et dont la capitale est Ankara, et qui a été créée en 1923 par le peuple turc sous la direction du très distingué Mustapha Kemal.

Honorables sénateurs, j'appuie ce rapport et je vais voter pour son adoption. Son titre, Jeter des ponts : les liens entre le Canada et la Turquie et leur potentiel, convient bien, parce qu'il évoque une démarche positive. Voilà qui est désirable et stimulant.

La position du Comité sénatorial des affaires étrangères est catégorique : dans ses relations avec la République turque et ses politiques la concernant, le Canada doit se tourner vers l'avenir et se montrer avant-gardiste. Dans ses politiques concernant la Turquie, le Canada doit signaler son empressement. L'expression « jeter des ponts », bien qu'empreinte d'humilité, transmet un message puissant et d'envergure.

Ce rapport anticipe et promet le déploiement de ressources et d'énergies créatrices abondantes, qui sont nécessaires à l'atteinte d'objectifs communs, soit des relations renouvelées et revigorées entre le Canada et la Turquie. Je ne peux que louer le titre du rapport, Jeter des ponts : les liens entre le Canada et la Turquie et leur potentiel, pour la sagesse qu'il exprime. Il inspire de grands espoirs et laisse entrevoir des grandes possibilités pour les relations canado-turques, en plus d'exprimer un appui particulier envers les actions ministérielles et gouvernementales en ce sens.

Honorables sénateurs, nous devrions réfléchir au sens que nous donnons aux activités que nous associons à la politique étrangère et aux relations internationales. Nous devrions considérer les aspects humains et politiques de leur principale raison d'être, soit la création et le maintien de liens stables, pacifiques, sains et empreints de compassion entre les peuples et les nations. De tels échanges exigent une attention soutenue et donc un travail constant. Les relations que l'on néglige ou malmène ne prospèrent pas et ne contribuent pas au bien commun.

Le rapport du comité arrive à point et il est nécessaire. Il promet un nouveau chapitre dans les relations entre le Canada et la Turquie. Je l'appuie vigoureusement. Je félicite la présidente du comité, la sénatrice Raynell Andreychuk, le vice-président du comité, Percy Downe et les membres du comité. Je les remercie de leur travail et je les salue. Je profite également de l'occasion pour souligner l'expérience et les connaissances du domaine des affaires étrangères qu'apporte la sénatrice Andreychuk à ce dossier. Elle fait honneur au Sénat et au Canada.

Honorables sénateurs, l'étude du Comité sénatorial des affaires étrangères sur les relations entre le Canada et la Turquie a été bien reçue par le gouvernement de ce pays et ses habitants, tout comme la visite du comité en Turquie a été appréciée. Là-bas, les membres du comité ont pu entendre le témoignage de plusieurs ministres, fonctionnaires et gens d'affaires turcs, d'ambassadeurs étrangers en poste en Turquie ainsi que de gens d'autres secteurs.

Nombreux sont ceux, là-bas, qui ont montré un vif intérêt à l'égard des travaux du comité, ce qui montre que la Turquie et ses habitants souhaitent entretenir des relations étroites et fructueuses avec le Canada dans divers domaines, comme le commerce, l'industrie, l'éducation et, bien entendu, la diplomatie. Parallèlement, au Canada, les Canadiens voient les avantages d'entretenir des relations efficaces et harmonieuses avec la Turquie.

Il est évident qu'il existe un rapport entre les relations internationales harmonieuses, la santé économique et la prospérité. Ceux qui réclament et souhaitent que le Canada et la Turquie entretiennent de solides relations savent que cette relation bilatérale comporte des avantages pour les deux parties, plus particulièrement dans le contexte actuel, qui évolue rapidement. Les travaux et le rapport du Comité sénatorial des affaires étrangères ont pour objectif d'améliorer et de resserrer les liens entre le Canada et la Turquie.

Je vais citer un extrait du rapport du comité. Dans l'avant-propos, à la page v, le comité déclare ce qui suit avec assurance :

Le comité estime que ce rapport demeure un compte rendu fidèle et à jour de la relation entre le Canada et la Turquie, qui est en constante évolution.

Honorables sénateurs, ce rapport montre qu'il existe une grande confiance. Dans la conclusion du rapport, le comité souligne l'importance de la confiance dans les affaires étrangères et les relations diplomatiques. Plongeant dans le vif du sujet, le comité affirme carrément ce qui suit à la page 3 :

(1600)

Comme le comité l'a souligné dans ses précédentes études sur le Brésil, la Russie, l'Inde et la Chine, dans un monde en évolution rapide, la créativité et les approches multidimensionnelles sont des éléments cruciaux permettant de se démarquer du reste du monde. La diplomatie commerciale est essentielle, mais elle demeure, en soi, insuffisante. Il est essentiel, pour établir des relations bilatérales durables, d'adopter une politique étrangère véritablement coordonnée et s'appuyant sur l'expertise du Canada dans les secteurs privé, public et de la société civile. Comme le souligne le présent rapport, la Turquie ne fait pas exception à cette règle. Le Canada poursuit ses efforts en vue de saisir de nouvelles occasions dans un monde en constante évolution et, dans ce contexte, l'établissement d'une relation franche et durable avec la Turquie répond exactement aux intérêts du Canada à l'échelle régionale, nationale et mondiale.

Je répète :

Le Canada poursuit ses efforts en vue de saisir de nouvelles occasions dans un monde en constante évolution et, dans ce contexte, l'établissement d'une relation franche et durable avec la Turquie répond exactement aux intérêts du Canada à l'échelle régionale, nationale et mondiale.

Honorables sénateurs, le rapport du comité est clair et limpide. Ses conclusions reposent sur l'expérience humaine et diplomatique ainsi que sur la sagesse des siècles. Les conclusions du rapport énoncent la règle d'or selon laquelle, dans toute entreprise humaine, l'établissement d'une relation de confiance est crucial à un partenariat réussi. C'est un principe de vie fondamental qui découle de l'expérience humaine et qui guide toutes les relations humaines et sociales. Entretenir des rapports de confiance est essentiel à la réussite de toutes les relations et de tous les échanges entre êtres humains. Cela vaut pour les individus et pour les pays.

C'est le respect mutuel, et les valeurs d'humanisme réciproque qu'il suppose, qui sont à la base de l'établissement et du maintien de bonnes relations internationales et étrangères. Lorsque les gouvernements font fi de ces facteurs humains, ils le font à leurs risques et périls. Les relations internationales exigent une attention et des soins constants de la part des titulaires des plus hautes charges publiques de l'État. Au Canada, il s'agit du ministre des Affaires étrangères et du premier ministre. C'est pourquoi les relations internationales et étrangères — qu'on appelle diplomatie — font partie d'un groupe de pouvoirs suprêmes appelés pouvoirs de prérogative royale. Ces pouvoirs sont absolus et doivent s'exercer avec un soin méticuleux, c'est-à-dire un soin méticuleux à l'échelle internationale.

Honorables sénateurs, le résumé du rapport du comité, à la page 1, emploie des métaphores et des termes particuliers et intéressants. Il y est question de la « nouvelle Turquie ». On y exprime aussi un sentiment d'urgence : le temps y est fort important. En effet, le Canada pourrait manquer de temps et rater l'occasion de tirer parti de la situation positive et favorable en Turquie, et de renouveler ses rapports avec ce pays. Le résumé est franc et direct à cet égard :

Dans son rapport, le comité établit qu'il est encore temps pour le Canada de tirer parti des débouchés en Turquie [...]

Le résumé du rapport se poursuit ainsi :

Prenant appui sur les efforts déployés par les représentants du gouvernement, les entreprises et les établissements d'enseignement, le rapport contient six recommandations à l'intention du gouvernement du Canada sur les moyens de renforcer l'engagement politique et d'améliorer la diplomatie commerciale pour renouveler les rapports entre le Canada et la Turquie et renforcer la compréhension mutuelle.

On peut y lire aussi ceci :

Le comité souligne que la conjoncture est favorable à l'approfondissement par le Canada et la Turquie de leurs partenariats commerciaux [...], notamment l'agriculture, l'exploitation minière, l'énergie, l'infrastructure, le transport et l'éducation.

Le résumé du rapport dit aussi ce qui suit :

Le comité souligne qu'il est essentiel de favoriser le dialogue positif et constructif dans les plus hautes sphères politiques pour renforcer la relation entre le Canada et la Turquie, améliorer la visibilité du Canada et aider les entreprises canadiennes à réussir en Turquie. Plus particulièrement, l'engagement politique accru permet de soutenir d'autres initiatives et d'augmenter leur contribution.

Honorables sénateurs, le rapport est bourré d'arguments persuasifs qui ne peuvent venir que de gens qui connaissent à fond leur sujet et qui sont absolument convaincus des conclusions formulées. L'assurance et la force de conviction sont souhaitables et utiles dans un ouvrage.

L'excellent travail du Comité sénatorial des affaires étrangères montre que celui-ci est bien conscient que ses conclusions sont importantes pour le Canada et qu'elles lui permettraient de renouveler ses rapports avec la Turquie. Le comité sénatorial fournit au Sénat les outils dont il a besoin et il nous demande d'adopter son rapport afin d'appuyer et de renforcer le gouvernement du Canada en souscrivant à son opinion judicieuse et bien étayée selon laquelle l'avenir des relations bilatérales entre le Canada et la Turquie est prometteur. Selon lui, ces deux pays sont prêts à renouveler leurs engagements et à entretenir des rapports pleins et entiers l'un envers l'autre.

Les conclusions et les recommandations du comité se veulent rassurantes. Le Canada, ses habitants et ses secteurs du commerce, des affaires, de l'éducation, du tourisme et autres sont prêts et ils réclament une relation entre le Canada et la Turquie revigorée, contemporaine, réfléchie, bien soutenue et judicieuse.

Selon la principale conclusion du Comité sénatorial des affaires étrangères et du rapport, le gouvernement du Canada — c'est-à-dire le premier ministre et le ministre des Affaires étrangères — doit, au nom des Canadiens, relever le défi de la modernité. Pourquoi résister à l'appel de la modernité, de l'Asie émergente et de sa dynamique République turque, caractérisée par sa grande beauté, son patrimoine et sa longue histoire? Pour atteindre cet objectif de modernité, nous devrons déployer tous les efforts diplomatiques voulus pour établir la relation avec la Turquie dont le Canada et les Canadiens d'aujourd'hui ont besoin et qu'ils méritent.

Honorables sénateurs, sous la direction de sa présidente, la sénatrice Raynell Andreychuk, et de son vice-président, le sénateur Percy Downe, le Comité des affaires étrangères a grandement contribué à l'atteinte de cet objectif. Les sénateurs qui y siègent ont accompli un travail remarquable. Le Sénat a fourni au gouvernement un soutien essentiel, tout en respectant rigoureusement son cadre constitutionnel.

Comme nous le savons, toutes les relations bilatérales, y compris celles avec la Turquie, sont du domaine des affaires étrangères et relèvent donc de la compétence exclusive du gouvernement de Sa Majesté et du ministre des Affaires étrangères, John Baird. Le Sénat a offert ce service au Canada en sachant qu'il ne possède aucun pouvoir constitutionnel en matière d'affaires étrangères. Le Sénat s'est contenté, comme il se doit, d'étudier, d'enquêter et de conseiller, activités qui ont abouti aux conclusions contenues dans le rapport du comité, Jeter des ponts : Les liens entre le Canada et la Turquie et leur potentiel, et aux recommandations qui y sont formulées à l'intention du gouvernement de Sa Majesté. Le Sénat s'est acquitté de son devoir constitutionnel. Il revient maintenant au gouvernement de Sa Majesté et au ministre des Affaires étrangères d'agir dans l'intérêt public et pour le bien-être du Canada dans le cadre de leur rôle constitutionnel en matière d'affaires étrangères et internationales.

Honorables sénateurs, ce rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international indique clairement que la Turquie est un pays en pleine évolution, et qu'elle est depuis un certain temps, et qu'elle continue d'être, un joueur important et puissant dans sa région et dans le monde. Le rapport contient six recommandations mûrement réfléchies. Je vais les lire au Sénat selon leur ordre numérique.

La recommandation 1, à la page 40, propose :

Que le gouvernement du Canada maintienne un engagement constant à l'égard du gouvernement de la République de Turquie aux plus hautes instances politiques afin de créer des rapports bilatéraux renouvelés et plus significatifs.

La recommandation 2, à la page 41, propose :

Que le gouvernement du Canada désigne la Turquie comme une priorité stratégique commerciale et accélère les négociations avec le gouvernement de la République de Turquie en vue de conclure un accord de libre-échange.

La recommandation 3, à la page 43, propose :

Que le gouvernement du Canada facilite les partenariats entre entreprises turques et canadiennes, y compris les initiatives novatrices de collaboration financière dans les pays tiers.

La recommandation 4, à la page 46, propose :

Que le gouvernement du Canada entreprenne de conclure un accord sur la mobilité des jeunes avec le gouvernement de la République de Turquie, accord qui pourrait englober les jeunes professionnels et les stages coopératifs à l'étranger et fixerait des quotas raisonnables pour chaque catégorie.

La recommandation 5, à la page 47, propose :

Que le gouvernement du Canada élabore une stratégie de politique étrangère mettant en valeur l'image de marque du Canada et ses avantages, notamment dans les domaines de technologie et de l'éducation.

Enfin, la recommandation 6, à la page 49, propose :

Que le gouvernement du Canada envisage de conclure des protocoles d'entente avec le gouvernement de la République de Turquie dans les domaines des sciences, de la technologie, des mines et de l'énergie.

Honorables sénateurs, le présent rapport est le fruit d'un travail admirable, perspicace, réfléchi et nécessaire. J'en recommande la lecture à tous les sénateurs, au ministre des Affaires étrangères, M. John Baird, ainsi qu'au gouvernement du Canada.

Le rapport ne traite pas de la résolution du gouvernement, adoptée en 2006, reconnaissant la tragédie arménienne de la Première Guerre mondiale comme étant un génocide, ni ne mentionne le fait que le Canada a été le seul gouvernement à adopter une telle résolution. Il ne fait pas non plus mention des conséquences négatives involontaires de cette résolution pour la Turquie, la souveraineté turque et les relations bilatérales entre le Canada et la Turquie. Permettez-moi d'élaborer sur ce point.

Honorables sénateurs, depuis quelques années, il devient évident que cette résolution bien intentionnée mais fâcheuse doit être réexaminée et révoquée. Je suggère que cet examen et cette révocation fassent partie des négociations en vue de renouveler les relations entre le Canada et la Turquie.

Le terme « génocide », tout comme son cadre législatif complexe, est relativement nouveau. On en attribue la création à un avocat polonais juif nommé Raphael Lemkin, qui était conseiller au ministère de la Guerre, à Washington.

Dans le chapitre 9, intitulé « Genocide », de son livre Axis Rule in Occupied Europe, publié en 1944, Raphael Lemkin écrit ceci :

À concept nouveau, terminologie nouvelle. Par « génocide » nous entendons la destruction d'une nation ou d'un groupe ethnique. Ce néologisme, créé par l'auteur pour décrire la version moderne d'une pratique ancienne, est composé du mot genos (qui en grec ancien signifie race ou tribu) et du suffixe latin cide (massacre), imitant la formation de mots tels que tyrannicide, homicide, infanticide, etc.

J'y reviendrai lorsque je parlerai de la prochaine motion.

(1610)

Je remercie les sénateurs de m'avoir écoutée attentivement. Je leur recommande de lire ce rapport. Nous n'avons pas l'habitude d'applaudir dans cette enceinte, mais, sous la direction de la sénatrice Andreychuk et du sénateur Downe, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international nous a rendu un fier service en réalisant une étude aussi rigoureuse. Merci, honorables sénateurs.

Son Honneur le Président intérimaire : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer? L'honorable sénatrice Andreychuk, avec l'appui de l'honorable sénateur Plett, propose que la motion d'adoption du rapport soit modifiée pour qu'elle soit libellée comme suit :

Que le deuxième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, intitulé Jeter des ponts : les liens entre le Canada et la Turquie et leur potentiel...

Puis-je me dispenser de lire la motion? Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion d'amendement est adoptée.)

Son Honneur le Président intérimaire : Le vote porte maintenant sur la motion principale.

La sénatrice Cools : Honorables sénateurs, je souhaite prendre la parole au sujet de la motion principale modifiée concernant le deuxième rapport du Comité des affaires étrangères et du commerce international, l'étude sur l'évolution de la situation économique et politique en Turquie, pour demander une réponse de la part du gouvernement. Ce rapport du Comité des affaires étrangères et du commerce international, intitulé Jeter des ponts : les liens entre le Canada et la Turquie et leur potentiel, est tout à l'honneur du Sénat. On y trouve un rapport avant-gardiste et bien adapté aux réalités actuelles.

Honorables sénateurs, il y a quelques années, plusieurs assemblées législatives dans le monde ont adopté des résolutions voulant que le drame arménien de 1915 soit reconnu comme un génocide. Le Sénat du Canada a adopté une résolution en ce sens le 13 juin 2002. Puis, beaucoup se sont mis à employer le terme « génocide » pour évoquer la mémoire, la commémoration et le souvenir. Le jour du Souvenir est un jour solennel au Canada. À la 11e heure du 11e jour du 11e mois, tout le monde fait une pause en suivant l'exemple de notre gouverneur général. Nous faisons une pause, unis dans un moment collectif et national de silence. Nous baissons la tête pour prier à la mémoire des disparus. N'oublions jamais.

Honorables sénateurs, les journées nationales du souvenir plongent tout le pays dans un état divin et sacré de prière en souvenir de ses soldats tombés au champ d'honneur. Tous les pays et tous les peuples observent ces rituels collectifs et nationaux, qui sont en fait des rites de passage nationaux. La plupart des pays organisent chaque année des cérémonies commémoratives au cours de jours désignés pour pleurer collectivement et publiquement leurs victimes de la guerre, peu importe qu'elles aient été du côté des vainqueurs ou des vaincus. En accomplissant ces rites, tous se rappellent avec respect le sacrifice de tous ceux qui ont servi et sont tombés aux mains de cette monstrueuse voleuse de vies humaines qu'on appelle la guerre.

Honorables sénateurs, le terme « génocide » est un terme important apparu depuis peu. C'est un terme juridique, créé en vue de la poursuite de criminels devant les tribunaux compétents. Il n'a rien à voir avec la commémoration, le souvenir ou la reconnaissance, ni avec la tristesse nationale. C'est une notion juridique. La détermination officielle et juridique du génocide ne peut se décider en l'absence d'un processus judiciaire approprié ni ailleurs que devant les tribunaux compétents. Le terme « génocide » est explicitement incriminant. Ce n'est pas un synonyme de « souvenir ». Il vise à inculper et à punir. Il viole la souveraineté nationale. L'étiquetage sélectif de certains pays — mais non pas de tous — en raison de certains actes de violence passés est injuste et provoquera de nouvelles injustices. N'oublions jamais que l'être humain possède une capacité illimitée de commettre l'injustice.

Honorables sénateurs, le pouvoir de juger des cas de génocide est une question vaste et difficile. On se rappellera les énormes controverses juridiques, qui ne sont d'ailleurs toujours pas résolues, entourant les compétences du Tribunal militaire de Nuremberg dans les procès intentés par les vainqueurs contre les vaincus à l'issue de la Seconde Guerre mondiale. Les vainqueurs ont jugé les vaincus. Ces procès et les exécutions et emprisonnements auxquels ils ont conduit à l'époque étaient considérés plus humains que les exécutions sommaires sauvages pratiquées autrefois sur les champs de bataille. L'aspect juridique reconnu de ces procès militaires tenait au fait qu'ils s'appuyaient sur d'abondantes preuves recueillies dans les archives, les bureaux et les biens des nazis, les ennemis vaincus. Le jugement des génocides est réservé aux tribunaux compétents, constitués des autorités compétentes.

Honorables sénateurs, le terme « génocide » pourrait très facilement s'appliquer aux siècles d'esclavage des populations noires, à la guerre des Boers, au traitement infligé par le roi Léopold aux Noirs du Congo belge, ainsi qu'au récit dans la Bible du massacre et de l'expulsion des Cananéens par les Israélites, sous la direction de Joshua, qui voulaient que la terre de Canaan soit la terre promise des Hébreux. L'histoire est remplie d'exemples de cruauté humaine. C'est une chose qu'une personne utilise le terme « génocide » comme métaphore. C'est toute une autre histoire qu'une assemblée parlementaire adopte des résolutions qui ont comme effet de pointer un doigt accusateur vers un pays souverain pour des gestes qu'il a commis durant une guerre qui s'est produite bien avant que le terme « génocide » soit inventé et que des lois soient adoptées à son sujet. On a toujours dénoncé la rétroactivité des lois et de leur application. Il est bien établi que l'application sélective des lois pénales à quelques personnes seulement, plutôt qu'à la totalité d'entre elles, est injuste. C'est tout aussi vrai pour les particuliers que pour les pays.

L'application rétroactive des lois à des événements qui sont survenus bien avant que ces lois existent est injuste et peu judicieuse. Dans le droit canon européen, ce principe s'énonce comme suit : Nullum crimen sine lege, nulla poena sine lege praevia. Cela signifie : « Pas de crime sans loi, et pas de sanction sans loi antérieure. »

Honorables sénateurs, en examinant l'histoire de l'humanité, nous observons rapidement une triste réalité que Robert Burns a décrite comme « l'inhumanité de l'homme envers l'homme ». Nous devons décourager et dénoncer l'application sélective de nouvelles lois criminelles à des anciens cas d'inhumanité de l'homme envers l'homme. Il faudrait également s'opposer à l'application sélective si on y a recours pour répondre à des exigences politiques. En effet, il est établi en droit que les tribunaux, les juges et les processus judiciaires ne devraient pas servir à des fins politiques. Il est injuste d'utiliser des processus judiciaires à des fins politiques. C'est un exemple flagrant de l'inhumanité de l'homme envers l'homme. Se servir des processus judiciaires comme armes dans une guerre politique constitue une hérésie juridique. Cela ne répond pas aux exigences d'objectivité et d'impartialité fixées par la déesse de la Justice, Thémis, dont les yeux sont bandés et qui tient fermement dans sa main la balance de la justice. On ne devrait pas se servir de ces processus à des fins politiques.

Honorables sénateurs, chaque être humain a le devoir d'étudier l'histoire et ses exemples de cruauté, et de se faire une opinion. Nous devons examiner et comprendre l'inhumanité de l'homme envers l'homme, afin d'éviter que de tels événements se reproduisent. Le terme « génocide », en tant que concept juridique plutôt brutal, est encore récent dans l'expérience humaine. Ce concept pourtant essentiel nous incite à affronter les côtés sombres et cruels de la nature humaine, de même que les pathologies qui se cachent chez certains jusqu'à ce qu'un contexte particulier les fasse éclater au grand jour, entraînant des résultats barbares et horribles. Les gestes posés par les nazis étaient horribles. Je crois que l'abus et l'utilisation erronée du néologisme juridique incriminant « génocide » et des armes judiciaires qui y sont associées créent, eux aussi, un terrain fertile dans lequel l'inhumanité de l'homme envers l'homme peut prendre des formes brutales et inhumaines. Le nouveau cadre juridique entourant le génocide en droit international a été codifié dans la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, adoptée par l'ONU en 1948 et entrée en vigueur le 12 janvier 1951.

Honorables sénateurs, le 13 juin 2002, le Sénat a adopté une résolution visant à ce que la tragédie arménienne soit reconnue comme un génocide. Cette résolution — je m'en souviens très bien — avait été proposée et appuyée par deux sénateurs libéraux, la sénatrice Shirley Maheu et le sénateur Raymond Setlakwe, lui-même d'origine arménienne. Ils avaient tous deux travaillé d'arrache-pied pour convaincre les sénateurs — qui s'étaient fait tirer l'oreille, disons-le — d'adopter leur résolution, malgré la farouche opposition de la formidable leader du gouvernement libéral de l'époque, la sénatrice Sharon Carstairs, et de ma propre opposition. Disons que son adoption a quelque peu traîné en longueur. Or, tout a changé le jour où les sénateurs libéraux ont appris que la résolution en question avait l'appui du cabinet du premier ministre. Je vous la lis telle qu'elle a été adoptée, le 13 juin 2002 :

Que cette Chambre :

a) demande au gouvernement du Canada de reconnaître le génocide des Arméniens et de condamner toute tentative pour nier un fait historique ou pour tenter de le dépeindre autrement que comme un génocide, c'est-à-dire un crime contre l'humanité;

b) désigne le 24 avril de chaque année au Canada comme journée pour commémorer la mort d'un million et demi d'Arméniens qui ont été victimes du premier génocide au vingtième siècle.

(1620)

Cette résolution a été adoptée, même si elle n'a jamais été étudiée par un quelconque comité du Sénat. Aucun témoin n'a été entendu, et aucun fait n'a été soumis à l'examen des sénateurs.

Honorables sénateurs, j'ai appris tout récemment que l'ancien conseiller principal en politiques du premier ministre libéral Jean Chrétien, Eddie Goldenberg, parle de cet épisode dans l'ouvrage qu'il a écrit en 2006, Comment ça marche à Ottawa. Voici ce qu'on peut lire aux pages 100 à 102 :

[...] je déjeunais au restaurant du Parlement avec le sénateur Raymond Setlakwe [...] C'est un inconditionnel de Jean Chrétien, membre de sa « garde romaine » [...] Au fil de la conversation, qui porte sur quantité de sujets, il m'apprend que le Sénat pourrait bientôt débattre une motion condamnant le génocide arménien de 1915. Lorsqu'il me demande ce que j'en pense, je lui réponds franchement que je ne me suis jamais penché sur la question.

[...] je laisse paraître mon propre préjugé concernant l'utilité du Sénat canadien : « N'avez-vous rien de plus pressant à faire que de raviver la mémoire d'un événement survenu à l'autre bout du monde il y a un siècle? Franchement, je ne me soucie pas du tout de ce que le Sénat peut faire à ce propos. En ce qui me concerne, si vous voulez perdre votre temps avec ce type de résolution, pourquoi pas? » [...] L'idée ne me traverse même pas l'esprit qu'il sollicite mon opinion personnelle de conseiller principal du premier ministre. [...] j'ignore tout de ses origines arméniennes.

C'est ainsi que j'apprends, quelques jours plus tard, que j'ai pris une importante décision sans le savoir. Le bruit court que je suis revenu sur une position de longue date du gouvernement — dont je n'avais d'ailleurs nullement conscience — et que le CPM ne s'oppose apparemment plus à ce que le Sénat aille de l'avant avec sa résolution sur le génocide arménien. Sharon Carstairs, leader du gouvernement au Sénat, et Lloyd Axworthy, ministre des Affaires étrangères, sont dans tous leurs états et m'apprennent que ma remarque, faite au cours d'un dîner entre amis et qui n'était certainement pas une décision, pourrait bien envenimer les relations entre le Canada et la Turquie. Une fois de plus, j'en prends pour mon rhume. La moindre question, pensée, remarque ou allusion d'un membre du CPM risque d'être interprétée à l'impératif.

Honorables sénateurs, les propos de M. Goldenberg sont une révélation troublante. Il s'agissait de bons sénateurs. Vous connaissez sans doute certaines de ces personnes remarquables. Ils étaient de bons sénateurs, sincères et dévoués à leur tâche. Ce que ces propos révèlent est troublant. Ils secouent les susceptibilités. Ils abasourdissent l'esprit. Ils sèment le doute sur la validité de la résolution, qui est déjà mise en doute en raison des conséquences qu'elle pourrait involontairement entraîner.

Voici ce que j'ai pensé en mon for intérieur. Le livre s'intitule : Comment ça marche à Ottawa. Les mots du conseiller donnent l'impression surréaliste qu'il y avait quelque chose de mal dans tout cela. Est-ce vraiment ainsi que « ça marche à Ottawa »?

Honorables sénateurs, le premier ministre Jean Chrétien et son gouvernement n'ont pas tenu compte du point de vue exprimé dans la résolution du Sénat. Le premier ministre n'a pas accepté la motion. Il ne croyait pas qu'une telle politique étrangère serait bénéfique pour le Canada dans le cadre de ses relations diplomatiques. Tous les enseignements et tout ce que j'ai appris confirment que le moment est venu pour le gouvernement du Canada de revoir et d'annuler cette politique maintenant mise en doute. Elle découlait d'une bonne intention, mais elle est maintenant mise en doute. Si le gouvernement la revoit et l'annule, j'y verrais — et je crois que le monde entier aussi — un geste sage qui permettrait d'éviter un conflit et des souffrances.

Honorables sénateurs, j'aimerais porter à votre attention le jugement rendu récemment, le 17 décembre 2013, par la Cour européenne des droits de l'homme dans l'affaire Perinçek c. Suisse. En 2005, lors d'une conférence tenue en Suisse, un ressortissant turc, un certain Dogu Perinçek, dirigeant du Parti des travailleurs, a fait certaines déclarations. Il a notamment dit que la tragédie qu'ont endurée les Arméniens ne peut être qualifiée de « génocide ». Il a été accusé et condamné par les tribunaux suisses.

En ce qui concerne sa condamnation par le tribunal suisse, la Cour européenne des droits de l'homme a conclu que la Suisse avait violé l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'Homme qui porte sur la liberté d'expression, et que Dogu Perinçek n'avait pas commis un abus de droit au sens de l'article 17 de la convention. Le communiqué de presse de la cour publié ce jour-là précise ce qui suit :

La limite pour que des propos puissent tomber sous l'article 17 réside dans la question de savoir si un discours a pour but d'inciter à la haine ou à la violence. Le rejet de la qualification juridique de « génocide » pour les événements de 1915 n'est pas de nature à inciter à la haine contre le peuple arménien.

Son Honneur le Président intérimaire : L'honorable sénatrice Cools veut-elle demander plus de temps?

La sénatrice Cools : Absolument.

Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'accorder plus de temps à la sénatrice Cools?

L'honorable Joseph A. Day : J'aimerais obtenir une précision avant d'accorder mon consentement. Selon ce que je comprends, nous sommes à l'article no 2, et nous avons déjà voté sur la motion d'amendement. La motion d'amendement inscrite à la ligne 4 vise à adopter le rapport. Le rapport a donc déjà été adopté.

Son Honneur le Président intérimaire : Non. Il y avait une motion pour amender la motion principale, et elle a été adoptée. Le débat porte maintenant sur la version amendée de la motion principale, et le texte de la motion principale est celui que vous avez sous les yeux.

Est-ce clair?

Le sénateur Day : Non, ce n'est pas clair.

Selon ce que je comprends de la formulation qui apparaît ici et de ce qui figure à la quatrième ligne de ce deuxième paragraphe, la motion d'amendement visait à adopter le rapport. Nous avons déjà voté sur l'adoption du rapport.

Son Honneur le Président intérimaire : Non, nous avons amendé le texte. Nous avons seulement amendé le texte de la motion principale en adoptant une motion d'amendement.

Nous discutons maintenant de la motion principale, qui porte le titre que vous venez de lire. Je peux la relire si vous voulez que tout le monde comprenne tout à fait de quoi il est question.

Le sénateur Day : Merci, Votre Honneur. J'ai peut-être mal lu le document en question.

Son Honneur le Président intérimaire : Accorde-t-on plus de temps? La sénatrice Cools dispose de cinq minutes de plus.

La sénatrice Cools : Honorables sénateurs, la Cour européenne des droits de l'homme a également déterminé que le sort tragique des Arméniens est un sujet de débat et de discussion légitime, et qu'il n'y avait clairement aucun consensus quant à la définition juridique des événements en question. La cour s'est montrée du même avis que Dogu Perinçek et a jugé que la notion de « génocide » correspond à un concept juridique qui est défini très précisément et qui doit satisfaire à un critère de preuve rigoureux. La criminalisation des opinions sur les faits historiques a toujours été découragée. Le Comité des droits de l'homme des Nations Unies s'est dit inquiet d'une telle criminalisation. La Cour européenne fait la distinction entre l'affaire Perinçek et celles où il s'agit de négation de l'Holocauste.

Honorables sénateurs, en 2002, j'étais préoccupée par l'accumulation des résolutions provenant des assemblées législatives de partout dans le monde, et par l'intense activité politique locale en ce sens. J'avais des réserves à propos de la conclusion visée par la motion. Les assemblées sont libres de leurs opinions, mais le problème dans ce cas-ci allait au-delà des opinions. Le problème provenait du jugement sévère, étant donné sa portée sur le droit international, qui consistait à reconnaître la culpabilité d'un pays en particulier pour des événements anciens qui datent d'avant le cadre législatif et juridique qui s'applique aux crimes pour lesquels la culpabilité a été établie.

(1630)

Cette façon de faire n'est ni juste ni équitable; elle va à l'encontre de la common law. Comme la plupart des assemblées législatives sont partisanes et fondées sur des considérations politiques, elles sont souvent mal placées pour déclarer, de façon sélective, que tel pays est coupable, mais pas tel autre. La résolution adoptée par le Sénat, bien que guidée par de bonnes intentions, nuit aux relations entre le Canada et la Turquie. Elle s'inscrivait dans une campagne internationale en faveur d'une telle résolution, un mouvement qui trouvait écho dans les activités politiques de certaines circonscriptions et dans les démarches de vaillants Arméno-Canadiens — pour qui j'ai le plus grand respect — convaincus qu'ils défendaient la bonne cause. Il est temps que le gouvernement du Canada réévalue et abroge cette résolution sur une politique étrangère. Imaginez combien nous serions sidérés, consternés, révoltés et bouleversés si l'Assemblée législative de Turquie ou toute autre assemblée adoptait une résolution déclarant que la façon dont le Canada a traité les peuples autochtones constituait un génocide, ce que croient d'ailleurs bien des Canadiens. La marge est toutefois grande entre une croyance et un geste juridique.

Robert Burns l'exprime à merveille dans son poème intitulé Man Was Made To Mourn :

L'inhumanité de l'homme envers l'homme
En fait pleurer des milliers!

Ceux d'entre nous qui assistent à la cérémonie du jour du Souvenir chaque année arrivent rarement à retenir leurs larmes. C'est une expérience qui nous dépasse.

La guerre, l'un des quatre cavaliers de l'Apocalypse, symbolise la faucheuse, celle qui dérobe toute vie. Chers collègues, bien que l'inhumanité de l'homme envers l'homme soit sans limite, nous ne devons pas pour autant y ajouter. Honorables sénateurs, j'aimerais citer l'ouvrage de John Donne, le poète célèbre du XVIIe siècle, intitulé Devotions upon Emergent Occasions. C'est une citation que nous entendons souvent. Elle dit en partie ceci :

Aucun homme n'est une île, un tout, complet en soi; tout homme est un fragment du continent, une partie de l'ensemble; [...] la mort de tout homme me diminue, parce que j'appartiens au genre humain; aussi n'envoie jamais demander pour qui sonne le glas : c'est pour toi qu'il sonne.

Je remercie les sénateurs. Sénatrice Andreychuk, vous n'étiez pas ici, mais je vous ai remerciée du fond du cœur et j'ai remercié votre comité et le sénateur Downe. J'ai aussi dit que vous faisiez honneur au Sénat, à votre province et au pays.

Le comité a produit un rapport très actuel, nécessaire et pertinent et je crois que le gouvernement en a besoin.

Je vous remercie tous de votre attention. Nous devrions faire la guerre sans relâche à l'injustice, mais les humains peuvent se révéler des créatures effrayantes. Ne l'oubliez pas. Peu importe ce qui libère la malveillance, nous devons essayer de la repousser, autant que faire se peut.

Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

L'honorable Roméo Antonius Dallaire : J'aimerais poursuivre le débat, sans pour autant retarder inutilement l'adoption du rapport. Je prendrai la parole à son sujet jeudi. La nature du rapport et le sujet que nous avons abordé mettent en évidence la façon dont nous avons abordé toute la question des crimes contre l'humanité et des génocides. Ce soir, à 18 h 30, à la salle 256-S, le sous-secrétaire général de l'ONU prononcera une allocution sur la prévention des génocides devant le groupe de prévention des génocides.

On souligne cette année le 20e anniversaire d'un génocide. J'ai le devoir d'intervenir dans le débat pour défendre un tant soit peu la position que nous devrions adopter, selon mon expérience, à l'égard de ce rapport.

Je vous supplie de me permettre de prendre la parole jeudi pour le reste de mon temps de parole et ainsi, espérons-le, mettre un terme au débat.

(Sur la motion du sénateur Dallaire, le débat est ajourné.)

Droits de la personne

Motion tendant à autoriser le comité à étudier les mécanismes internationaux visant à accroître la coopération pour régler les disputes familiales transfrontalières—Ajournement du débat

L'honorable Mobina S. B. Jaffer, conformément au préavis donné le 11 février 2014, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne soit autorisé à étudier les mécanismes internationaux visant à accroître la coopération pour régler les disputes familiales transfrontalières, notamment les efforts du Canada pour favoriser l'adhésion et la conformité universelles à la convention de La Haye sur l'enlèvement et renforcer la coopération avec les États non signataires, afin de défendre les intérêts des enfants;

Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 31 décembre 2014.

— Honorables sénateurs, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne propose la tenue d'une étude sur les mécanismes internationaux visant à régler les conflits transfrontaliers liés à la garde d'enfants et au droit d'accès. Dans le cadre de cette étude, le comité examinerait la Convention de La Haye sur les enlèvements d'enfants, le processus de Malte ainsi que les efforts que le Canada déploie afin de favoriser la coopération internationale au titre de ces mécanismes.

L'honorable Joan Fraser (leader adjointe de l'opposition) : Sénatrice Jaffer, le comité serait-il appelé à se déplacer? De combien d'argent le comité aura-t-il besoin pour mener à bien cette étude?

(1640)

La sénatrice Jaffer : Honorables sénateurs, les membres du comité prévoient voyager. Nous prévoyons nous rendre à La Haye et même à Genève, car certains ont souligné que, malgré la Convention de La Haye, il reste encore beaucoup de travail à accomplir pour sensibiliser certains pays qui n'en font pas partie, mais qui ont participé au processus de Malte. C'est pour cette raison que le comité prévoit voyager. Quant au budget, madame la sénatrice, je n'ai pas encore obtenu l'approbation du comité, et donc, je ne suis pas à l'aise de divulguer le montant. Nous en discuterons lors de notre prochaine réunion, et s'il le faut, je vous fournirai ensuite le montant.

L'honorable Ghislain Maltais (Son Honneur le Président suppléant) : Merci, sénatrice Jaffer. Y a-t-il d'autres questions?

L'honorable Daniel Lang : J'aimerais simplement approfondir un peu cette question. Je trouve qu'il est difficile — et je suis convaincu que ma collègue, la sénatrice Fraser, pense la même chose — d'étudier une motion de cette nature sans savoir quels sont les coûts qui y sont rattachés et de l'adopter avant que vous établissiez le budget. Pour que nous puissions effectuer ces études, il convient de suivre un processus établi, auquel la plupart d'entre nous ont dû se conformer, et je dirais à la présidente qu'elle a la même responsabilité que nous tous au sein des autres comités.

Je propose donc, Votre Honneur, que le débat sur la motion soit ajourné à mon nom.

La sénatrice Jaffer : Puis-je avoir la permission de répondre avant que vous demandiez que le débat soit ajourné à votre nom? Ce qui me pose problème, honorables sénateurs, c'est que je ne peux pas vraiment poursuivre cette étude ou même examiner la question avant d'obtenir un ordre de renvoi. Nous ne pouvons pas poursuivre notre travail sans ordre de renvoi. Nous savons tous que cette étude comporte deux volets. Le premier volet consiste à étudier ce qui se passe ici. Nous entendrons le témoignage de différents groupes et de diverses personnes qui sont touchées par cette situation. Ce sera la première partie de notre étude.

La deuxième partie, si nous obtenons le budget voulu, servira à consolider notre étude, mais, que nous obtenions le budget ou non, nous demandons au Sénat de nous autoriser à entreprendre cette étude, qui est particulièrement importante à une époque où, partout au pays, des enfants se font enlever et emmener ailleurs dans le monde. Le Comité des droits de la personne a estimé que nous devions entreprendre cette étude fort importante, que nous puissions nous déplacer ou pas.

Ce qui me pose problème, honorables sénateurs, c'est que, sans ordre de renvoi, je ne peux pas envisager de budget. Voilà pourquoi je suis ici, pour obtenir un ordre de renvoi. Un processus est manifestement sur pied. Si le Comité de la régie interne et le Sénat ne recommandent pas que nous nous déplacions et obtenions les fonds pour le faire, nous ne nous déplacerons pas, mais nous aimerions tout de même poursuivre cette étude.

Son Honneur le Président suppléant : Y a-t-il une autre question?

Une voix : Non, il a ajourné le débat.

Son Honneur le Président suppléant : Le débat est ajourné. Le vote?

La sénatrice Fraser : Le sénateur Lang me permettrait-il de parler 30 secondes avant que le débat soit ajourné à son nom?

Le dilemme qu'expose la sénatrice Jaffer constitue l'une de mes frustrations constantes ici — on nous demande d'approuver des projets avant de savoir combien ils vont coûter. Je pense que nous avons fait des progrès. Comme vous le savez, sénateur Lang, à défaut de nous préciser des montants, les présidents de comité ont pris l'habitude de nous donner à tout le moins une idée de l'ampleur des études que leur comité a l'intention d'entreprendre. C'est une grande amélioration. Pendant des années, nous n'obtenions même pas cela.

Son Honneur le Président suppléant : Excusez-moi, sénatrice Fraser, le débat était ajourné.

[Français]

La sénatrice Fraser : Pardon?

Son Honneur le Président suppléant : Le débat étant ajourné, on ne peut plus en discuter. Le sénateur Lang a proposé l'ajournement du débat.

La sénatrice Fraser : Mais nous n'avons pas adopté la motion d'ajournement.

Son Honneur le Président suppléant : Dans le cas où le débat est ajourné, on ne peut pas poursuivre le débat.

La sénatrice Fraser : Monsieur le Président, avec tout le respect que je vous dois, à ce que je sache, nous n'avons pas voté sur l'ajournement du débat. J'ai demandé avec courtoisie au sénateur Lang de me permettre de dire quelques mots avant qu'il ne propose l'ajournement.

[Traduction]

Je crois que le sénateur Lang a accepté. Je comprends qu'il proposera l'ajournement du débat. J'aurais déjà terminé.

Son Honneur le Président suppléant : D'accord, quelques mots, madame la sénatrice.

La sénatrice Fraser : Ce que nous savons de cette étude, honorables sénateurs, c'est qu'elle coûtera cher, car le comité devra se rendre en Europe.

Son Honneur le Président suppléant : À l'ordre.

[Français]

L'honorable Pierre Claude Nolin : Monsieur le Président, une motion d'ajournement est actuellement sur la table. En vertu du Règlement, la motion ne peut être débattue et on ne peut non plus entendre une question qui soit posée. Vous devez immédiatement proposer la motion et nous verrons si elle est adoptée ou pas.

Son Honneur le Président suppléant : Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix : Oui.

(Sur la motion du sénateur Lang, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Peuples autochtones

Autorisation au comité d'examiner, en vue d'en faire rapport, les problèmes, et les solutions possibles, liés à l'infrastructure dans les réserves des Premières Nations et à recevoir les documents reçus et les témoignages entendus dans le cadre de son étude sur les responsabilités du gouvernement fédéral à l'égard des Premières Nations, des Inuits et des Métis

L'honorable Dennis Glen Patterson, au nom de la sénatrice Dyck, conformément au préavis donné le 13 février 2014, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones soit autorisé à examiner, en vue d'en faire rapport, les problèmes, et les solutions possibles, liés à l'infrastructure dans les réserves des Premières Nations, notamment :

a) le logement;

b) l'infrastructure communautaire (comme le traitement des eaux et des eaux usées, les écoles et autres bâtiments communautaires);

c) les possibilités novatrices de financement et de stratégies de collaboration plus efficaces;

Que les documents reçus, les témoignages entendus, et les travaux accomplis par le comité sur ce sujet durant la deuxième session de la quarante et unième législature dans le cadre de son étude sur les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières Nations, des Inuits et des Métis et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada, que le Sénat a autorisée le 21 novembre 2013, fassent partie des documents reçus et des témoignages entendus dans le cadre de la présente étude;

Que le comité soumette son rapport final au plus tard le 31 décembre 2015 et qu'il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.

— À mon avis, la piètre qualité des logements et des installations communautaires dans les réserves influe sur la santé, l'éducation et le bien-être socioéconomique des Premières Nations. Nous avons proposé d'examiner l'état des infrastructures communautaires dans les réserves, dont le logement.

Je ne crois pas avoir besoin de décrire en détail les défis liés au logement qui se posent dans les réserves des Premières Nations. Ils ont été énoncés dans un rapport du Bureau du vérificateur général en 2011. Les problèmes de moisissure, d'entretien et de piètre qualité des logements dans les réserves sont bien connus.

Le comité croit que les lacunes sur le plan des infrastructures, qui touchent aussi les infrastructures connexes telles que les routes, les usines de traitement des eaux et des eaux usées, les écoles et d'autres bâtiments communautaires, constituent un problème auquel il faut s'attaquer de toute urgence.

L'ordre de renvoi général nous a permis de survoler ce sujet au cours des derniers mois, mais nous sommes maintenant prêts à orienter notre étude telle que le décrit la motion présentée aujourd'hui. Puisque nous avons déjà entendu des témoignages que le comité a jugés utiles, la motion vise également à demander que les témoignages fassent partie de l'étude.

J'anticipe la question de la sénatrice Fraser. Si l'ordre de renvoi est approuvé, nous prévoyons, en plus de convoquer des témoins devant le comité, nous rendre dans diverses régions du pays afin de prendre connaissance des meilleures pratiques et de voir où les besoins d'infrastructure sont urgents et aggravés, par exemple, par des inondations.

Nous soumettrons une demande visant à autoriser le comité à se déplacer au Canada que nous présenterons d'une façon ciblée et responsable afin que le Sénat l'examine ultérieurement.

Son Honneur le Président suppléant : Je vous remercie, sénateur Patterson. Avez-vous des questions? Le débat est ajourné. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

(1650)

[Français]

Le Sénat

Son rôle de représentation des régions de la fédération canadienne—Interpellation—Ajournement du débat

L'honorable Pierre Claude Nolin, ayant donné préavis le 28 janvier 2014 :

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur son rôle de représentation des régions de la Fédération canadienne.

— Honorables sénateurs, la présente interpellation sur la représentation des régions au Sénat s'inscrit dans une série de débats visant une meilleure compréhension de la nature du travail du Sénat, des principes qui en structurent les fondements et de l'étendue des rôles qui lui sont dévolus. Pour la préparation de mes notes, encore une fois, je me suis largement inspiré du livre Protéger la démocratie canadienne : le Sénat en vérité, publié en 2003 sous la direction de notre collègue l'honorable Serge Joyal.

[Traduction]

Je me suis largement appuyé sur le chapitre 3, « Le bicaméralisme dans les régimes parlementaires fédéraux », rédigé par le professeur Ronald Watts, recteur émérite et professeur émérite en sciences politiques et membre de l'Institut des relations intergouvernementales de l'Université Queen's. Je me suis également servi du chapitre 7, « Analyse comparative des rôles législatifs du Sénat et de la Chambre des communes », du professeur Paul Thomas.

[Français]

En guise d'entrée en matière, il m'apparaît tout indiqué de vous relire les propos de la professeure Ajzenstat alors qu'elle énonce au premier chapitre du collectif du sénateur Joyal :

[Traduction]

Il n'est pas excessif de dire que le sort de la Confédération s'est joué sur la question de la représentation régionale à la Chambre haute.

Elle nous invite à considérer l'argument de M. Brown :

[L]'essence de notre convention tient à ce que l'union sera fédérale et nullement législative. Nos amis du Bas-Canada ne nous ont concédé la représentation d'après la population qu'à la condition expresse d'être égaux au Conseil législatif. Ce sont là les seules conditions possibles d'entente et, pour ma part, je les ai acceptées de bon gré.

[Français]

Rappelons quelques faits historiques qui sont peu connus. Dès l'élection de décembre 1857, Brown et ses True Grits, ainsi que le quotidien The Globe, réclamaient à grands cris la représentation proportionnelle. Voici ce que nous rapporte l'historien Jacques Lacoursière sur cette situation :

À l'époque où le Bas-Canada était plus peuplé que la province supérieure, le Haut-Canada, les habitants de cette dernière trouvaient tout à fait naturel que les deux parties du Canada uni aient une représentation égale. Mais depuis que des milliers d'immigrants sont venus grossir les rangs de la population haute-canadienne et lui faire atteindre la supériorité numérique, on crie à l'injustice.

Dès la rentrée parlementaire suivante, Brown proposait des amendements à la loi électorale afin de permettre une représentation équitable du peuple au Parlement. Son amendement remporta l'appui quasi unanime de ses collègues du Haut-Canada alors que tous les députés du Bas-Canada voteront contre.

[Traduction]

Cette division a donné le ton aux débats qui ont suivi à Québec en 1864 sur la question cruciale de la représentativité dans le nouveau Parlement que créerait le projet de confédération.

Cela nous permet de mettre en perspective la déclaration de M. Brown en 1865, que je viens tout juste de mentionner et la constatation irréfutable de la professeure Ajzenstat au sujet du résultat final.

[Français]

Afin de bien couvrir le sujet de mon interpellation, dans un premier temps, j'examinerai pourquoi la quasi-totalité des fédérations a adopté le bicaméralisme ainsi que le rôle de représentation des régions que les secondes chambres se sont vu confier. Nous nous tournerons ensuite vers la situation canadienne. Avant de conclure, je vous proposerai enfin un chantier qui pourrait améliorer cette situation.

L'assemblée parlementaire ou législative bicamérale est caractéristique non seulement du Canada, mais aussi de la plupart des démocraties parvenues à maturité, et plus particulièrement de presque tous les régimes fédéraux. Dans les faits, il n'existe que deux exceptions qui sont relativement mineures : la Micronésie et les Émirats arabes unis. Il serait bon de garder en mémoire que la généralisation des assemblées bicamérales répond à deux nécessités majeures qui ont trait au rôle des secondes chambres dans la révision des lois et la représentation des intérêts régionaux.

[Traduction]

Lorsque nous comprenons cette prémisse et son importance dans l'édification de notre régime fédéral, il est renversant d'entendre les gens constamment réclamer l'abolition complète du Sénat.

[Français]

La révision législative constitue une fonction primordiale de la plupart des secondes chambres et nous avons examiné récemment pourquoi et comment le Sénat accomplissait ce rôle législatif.

La représentation des intérêts des régions à l'échelon fédéral ou national constitue le second grand rôle que les secondes chambres jouent dans la grande majorité des fédérations.

[Traduction]

Dans la plupart des fédérations, la représentation à la Chambre basse est fondée sur la population, ce qui signifie toutefois que les provinces ou les États plus peuplés dominent la Chambre basse parce que leurs représentants y sont plus nombreux.

Pour faire contrepoids à ce phénomène, les fondateurs des fédérations ont en général décidé de donner aux provinces ou aux États moins peuplés une voix plus importante dans les délibérations à l'échelon fédéral en leur accordant une représentation pondérée, ou même égale, à la seconde Chambre fédérale.

[Français]

Ils voulaient ainsi s'assurer que les points de vue différents des États ou des provinces ne seraient pas tout simplement étouffés par une majorité de la population concentrée dans les provinces ou les États peu peuplés. Les concepteurs de la plupart des fédérations ont en outre choisi un mode différent de sélection pour les membres de la seconde chambre afin de faciliter la représentation des intérêts régionaux.

[Traduction]

Selon M. Watts :

Par nature, les régimes fédéraux doivent reposer non seulement sur une majorité gouvernante mais aussi sur la reconnaissance et la tolérance de la diversité. Dans les institutions de l'assemblée législative fédérale, ce principe a presque toujours donné naissance à une première Chambre où gouverne la majorité et à une seconde Chambre où la représentation des intérêts des régions n'est pas assujettie à la règle majoritaire.

[Français]

Cinq observations s'imposent sur la représentation des intérêts des régions. Une première porte sur la nature des régions : normalement, ce sont les entités fédérées qui forment les régions, les États, les provinces, les cantons, les länder, et cetera. À cet égard, le Canada s'est distingué en établissant une représentation régionale qui distingue les provinces des régions.

La deuxième observation a trait aux intérêts à faire valoir, surtout ceux des minorités fédérales, qui constituent en soi une majorité dans un État, comme c'est le cas dans les fédérations multilingues ou multinationales.

Troisièmement, la seconde chambre offre une tribune où il est possible d'exprimer directement les points de vue des régions dans les grandes questions d'ordre fédéral.

Quatrièmement, il importe de s'assurer que la représentation des entités constitutives plus populeuses n'étouffe pas celle des plus petites.

Enfin, la dernière observation vise à distinguer, partager et faire la défense des intérêts des entités fédérées et de ceux des populations. La défense des gouvernements dits provinciaux est souhaitable, mais ce n'est pas nécessairement le rôle des deuxièmes chambres, celles-ci représentant des régions — à plus juste titre si la composition des régions se distingue de celle des provinces —, des populations qu'elles regroupent et de leurs intérêts dans l'élaboration des politiques fédérales.

(1700)

[Traduction]

M. Watts conclut ainsi :

Des études comparatives des secondes Chambres fédérales ont toutefois démontré que, dans presque toutes les fédérations, [...] la représentation manifeste des intérêts des régions à la seconde Chambre fédérale constituait une exigence vitale. C'est pourquoi son importance plus générale pour la stabilité et l'évolution futures de la fédération dans l'ensemble est particulièrement importante dans toute réforme du Sénat qu'on envisagerait au Canada.

[Français]

Examinons maintenant la nature de cette représentation au Canada. Les parlementaires fédéraux, qu'ils soient députés ou sénateurs, représentent à la fois un groupe de citoyens localisés soit dans une circonscription, dans une région, mais aussi l'ensemble du pays. C'est cette double réalité qui permet au Parlement de traiter efficacement des mesures d'intérêt national. Les délibérations vraiment nationales seraient, à toutes fins utiles, impossibles, et le Sénat n'aurait aucun pouvoir de freiner les visées abusives s'il en était autrement.

En 1908, le sénateur Ambroise Comeau invoquait l'argument suivant au cours d'un débat sur le Sénat :

L'utilité suprême de cette Chambre — le Sénat — repose sur son caractère national, sur la largeur de vue de ses membres, sur le maintien juste et équitable non seulement des droits de toutes les classes d'hommes, mais de toutes les parties du dominion.

[Traduction]

Cette double obligation peut parfois s'avérer problématique. Dans les institutions représentatives, ce dilemme, quoique omniprésent, doit plutôt être considéré comme un avantage, du moins si on se fie à Mme Ajzenstat :

[...] on ne peut négliger les intérêts locaux, pas plus que la responsabilité qui oblige à en tenir compte dans le contexte du bien national. Il convient de signaler que, dans leur rôle de champions des provinces, les premiers ministres provinciaux n'ont pas à résoudre cette contradiction.

Ils n'ont qu'un seul but lors des conférences fédérales-provinciales : défendre leur province.

Je cite de nouveau Mme Ajzenstat :

Si le Sénat n'est pas le défenseur tenace des points de vue provinciaux et ne peut l'être à cause de sa nature même, il est cependant mieux placé que d'autres institutions pour les représenter dans le contexte des délibérations plus générales et pour rappeler aux tenants du bien national qu'ils ne sauraient museler les régions.

[Français]

Nos fondateurs ont longuement discuté de l'importance d'une présence régionale équilibrée à la Chambre haute. Un examen attentif de leurs longues délibérations sur le sujet nous amène à conclure qu'ils désiraient que le Sénat protège les régions et leurs intérêts, mais la Loi constitutionnelle de 1867 ne contient aucune disposition articulant ce rôle ni aucun mécanisme approprié. La composition régionale du Sénat et les pouvoirs législatifs presque égaux qui lui ont été accordés montrent qu'on lui prêtait un rôle de contrepoids à la Chambre des communes, au bénéfice des provinces plus petites.

Les observateurs sont presque unanimes à dire que l'échec le plus marquant du Sénat a été son incapacité de faire valoir de façon continuelle les intérêts des régions. Demandons-nous maintenant pourquoi.

Énumérons les hypothèses les plus populaires partagées par les commentateurs. Même s'il est structuré selon les régions, certains soutiennent que le Sénat, étant donné que ses membres sont nommés, n'a pas l'autorité politique nécessaire pour opposer les désirs des régions à la volonté démocratique qui s'exprime dans les votes à la Chambre des communes.

Autre observation : ce déficit est accentué par les nominations partisanes effectuées par les différents premiers ministres. Plusieurs autres soutiennent que la loyauté envers le parti a fini par l'emporter sur la représentation des régions. D'autres ajoutent que, comme les sénateurs n'ont aucune obligation d'ordre électoral, leur présence en région est souvent moins importante. Par conséquent, les sénateurs manqueraient de visibilité et de crédibilité.

Le professeur Thomas, titulaire de la chaire Duff-Roblin de sciences politiques de l'Université du Manitoba, a analysé ces conclusions. Voici ce qu'il en dit :

[Traduction]

Une analyse plus attentive de cette thèse bien connue révèle qu'elle n'est guère convaincante [...] rappelons tout d'abord qu'à l'origine, le Sénat devait faire valoir le point de vue des populations des provinces dans la facture des lois nationales. Il ne s'agissait donc pas de représenter les intérêts des gouvernements et des assemblées législatives des provinces. Autrement dit, il n'a jamais été question que le Sénat du Canada devienne l'équivalent du Bundesrat allemand, où les entités constituantes du régime fédéral sont représentées à la Chambre haute. Il existe dans le régime canadien bien d'autres tribunes, comme les conférences fédérales-provinciales et les tribunaux, où il est loisible aux gouvernements provinciaux de défendre leurs intérêts.

Il conclut comme suit :

Le rôle régional du Sénat est demeuré embryonnaire, c'est le moins qu'on puisse dire, pour de nombreuses raisons [...] Cela tient en partie au fait que les intérêts des régions sont protégés par d'autres mécanismes du régime politique, notamment :

  • devant les tribunaux, dont les premiers jugements sur la répartition des pouvoirs ont étendu les compétences des gouvernements provinciaux;
  • dans les nombreux comités et conférences à l'échelon fédéral-provincial qui traitent d'un vaste éventail d'enjeux stratégiques à caractère aussi bien national que provincial;
  • au Cabinet, qui a été considéré dès le départ comme une tribune plus importante que le Sénat pour faire entendre la voix des régions et qui a enrichi ce rôle notamment par la nomination des ministres régionaux;
  • dans la machine des caucus nationaux, régionaux et intrarégionaux, auxquels assistent tant les députés que les sénateurs des diverses provinces, dont le mécanisme subtil s'est raffiné au fil des ans, particulièrement après les années 60.

[Français]

Les conclusions du professeur Thomas nécessitent certaines observations. Sauf pour les décisions judiciaires, la trame de chacun des autres forums que je viens d'énumérer arrime, à des degrés variables, des intérêts partisans qui, par nécessité électorale, peuvent occasionnellement satisfaire des intérêts régionaux.

Deuxièmement, l'arbitrage des intérêts régionaux divergents est aussi marqué par la partisanerie dans chacun de ces forums. Il est rare que ces forums se transforment en tribune publique et laissent place aux voix divergentes. Les populations peinent à suivre et à comprendre comment leurs intérêts particuliers sont pris en compte. Enfin, les compromis nécessaires sont souvent sciemment mal présentés, et les frustrations conséquentes nuisent à la cohésion de la fédération construite pour accommoder ces intérêts régionaux.

Honorables sénateurs, pourrais-je avoir quelques minutes pour terminer mon texte?

Des voix : Oui.

Le sénateur Nolin : Sans que la mise en œuvre de ce rôle fût systématiquement structurée, nous devons reconnaître que le Sénat a su, périodiquement, ponctuellement, prendre en compte les intérêts régionaux — et je vais me limiter à deux exemples.

En 1977, le gouvernement libéral de l'époque voulait abolir les enregistrements portuaires dans les provinces atlantiques.

[Traduction]

À cette époque, il souhaitait mettre un terme à l'enregistrement dans les divers ports de l'Atlantique. Devinez ce qui s'est passé? Après avoir écouté les témoignages des représentants du Québec et de la Colombie-Britannique, le Sénat a amendé le projet de loi, puis celui-ci a été adopté par la Chambre des communes.

[Français]

Autre exemple : en 1989, un autre gouvernement, cette fois-ci progressiste-conservateur, voulait cesser les activités du ministère de l'Expansion industrielle régionale. Le Sénat a amendé le projet de loi afin que le gouvernement fédéral conserve sa responsabilité — qu'il a encore aujourd'hui — en matière d'atténuation des disparités économiques régionales.

Honorables sénateurs, les réflexes existent. Il s'agit donc d'en faire un peu plus. Comment faire mieux? En 1980, un comité du Sénat qui avait la responsabilité de recommander des réformes internes avait proposé la création d'un comité permanent qui aurait eu la tâche d'organiser cette représentation régionale. On peut même pousser le raisonnement un peu plus loin. Serait-il approprié de créer plusieurs comités régionaux afin de voir, au sein de chacun de ces comités, chacune des quatre grandes régions que notre Constitution nous demande de représenter?

(1710)

Pour plusieurs raisons, malheureusement partisanes, un tel comité n'a jamais vu le jour.

Une autre suggestion qui a été faite à la même époque envisageait la création de caucus régionaux multipartites. D'ailleurs, nul besoin de vous en convaincre, c'est une solution qui refait surface en ce moment. Je vous avouerai que c'est une proposition qui me paraît intéressante. Je pense d'ailleurs que nous devrions sérieusement envisager toutes ces options, car nous allons devoir agir dans ce dossier avec célérité et efficacité. Je remarque la présence du leader de l'opposition au Sénat; j'aimerais, sénateur Cowan, que vous et votre collègue vous penchiez rapidement, ensemble, sur une réflexion efficace — et quand je dis rapidement, je ne parle pas de mois; je parle de semaines, de jours —, une réflexion par laquelle les deux leaders auraient l'opportunité d'étudier des propositions simples, mais qui méritent qu'on s'y attarde. C'est possible de le faire. Je pense qu'il s'agit de commencer par des petits pas, mais assurons-nous qu'ils soient pertinents et prometteurs.

À plusieurs reprises, dans le cadre de ces interpellations, je vous ai invités à réfléchir sérieusement sur les pouvoirs qui nous ont été confiés, sur notre capacité d'agir plus indépendamment et de repousser l'influence indue de la partisanerie aveuglante et, enfin, sur notre responsabilité de construire et de maintenir notre crédibilité.

En guise de conclusion, je vous propose la déclaration suivante : la structure bicamérale du Parlement du Canada confie, entre autres, au Sénat la responsabilité de s'assurer que les intérêts des régions et de leurs populations soient considérés dans l'exercice de ses rôles. Les lois et les actions gouvernementales que le Sénat examine contribuent à la pérennité des multiples communautés régionales qui composent la société canadienne.

Je vous remercie de l'attention que vous avez portée à mon propos. Je suis maintenant disposé à répondre à vos questions.

(Sur la motion de la sénatrice Eaton, le débat est ajourné.)

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au mercredi 26 février 2014, à 13 h 30.)

© Sénat du Canada

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